De passage à Bordeaux, la ville où elle est née et où grandir a voulu dire s'émanciper, la ville dont l'opulence bourgeoise et l'arrogante amnésie lui restent comme un caillou dans la chaussure, Anne-Marie Garat se rend avec un sien cousin bordelais au musée d'Aquitaine où, ensemble, ils découvrent l'exposition consacrée à la traite négrière. Et tombent en arrêt devant certain cartel, au langage pour le moins javellisé. Humeur noire revient sur la colère qui jaillit face à la malpropreté des mots. En décortiquant avec humour et lucidité sa propre obsession d'écrivaine, Anne-Marie Garat signe un livre étonnamment personnel (et étonnamment réjouissant), sur les traces d'une histoire collective et d'une mémoire intime (trop) longtemps laissée(s) tranquille(s).
Intranquille, vivant, pétillant, virtuose, un emportement qui cristallise combien tout est lié, combien tout est important.
Revenant sur les lieux pour se défaire enfin d'une maison qu'elle a jadis acquise sur la côte Atlantique, l'héroïne de ce roman, Hélène, affronte les fantômes du passé qui, secrètement, parasitent son existence, tout en traversant les zones de turbulences que provoquent des rencontres nouvelles. S'ensuivent de nombreuses déflagrations qui vont déplacer les lignes de son existence, passée comme présente, mettre en déroute tous ses démons personnels et lui permettre de s'ouvrir aux initiations qui l'attendent afin de vivre la mutation libératrice et amoureuse à laquelle elle ignorait si ardemment aspirer.
Fin des années 1930, Yukon, Alaska. Une aventurière fuit la Californie avec une enfant et, bravant les dangers, se lance à la poursuite de ses fantômes sur les pistes des territoires amérindiens du Grand Nord, avec pour seul guide une mystérieuse carte folle. Bud Cooper qui a croisé sa route rapporte le récit de l'équipée que lui en fait, quinze ans plus tard, l'enfant d'alors, au risque de se perdre à son tour avec elle aux confins de l'imaginaire.
Dans le Paris de 1913-14, une jeune femme intrépide, Gabrielle Demachy, mène une périlleuse enquête d'amour munie, pour tout indice, d'un sulfureux cahier hongrois recelant tous les poisons - des secrets de coeur au secret-défense ...
Après "Dans la main du diable", Anne-Marie Garat nous livre un nouvel et ambitieux questionnement sur l'inscription, dans le temps long de l'histoire, des tourments individuels et des destinées sentimentales confrontés à la rémanence du Mal.
Dans une demeure baroque, inattendue, extravagante, nichée en contre-bas d'un bourg de Franche-Comté, Lottie, solide nonagénaire, vit seule. L'histoire de cette maison, du domaine et de ses fantômes, Lottie va la dévider par le travers pour la narratrice, professeur de sociologie de passage sous couvert d'une enquête universitaire. Mais faut-il la croire sur parole ? Anne-Marie Garat fait entrer mémoire et mensonge dans le plus passionnant des dialogues - donnant naissance au conte ininterrompu dont la littérature nourrit ses puissants sortilèges jusqu'à recomposer la matière même du temps.
Dernier volume d'un grand roman séculaire qui débute en 1913 avec Dans la main du diable, et se poursuit dans les années 1930 avec L'Enfant des ténèbres, Pense à demain couvre une période qui s'étend des années 1960 à septembre 2010. On y retrouve, trente ans plus tard, les personnages dont les destins dessinent le portrait tragique du siècle. Mais qui « tourne la manivelle » de l'Histoire ? De quel sordide passé aux crapuleuses ramifications mêlant politique et affairisme, les uns et les autres sont-ils comptables ? De quels terribles marécages - et parfois quels charniers - s'élèvent les existences ? Qui a pouvoir de désigner le visage du crime, d'absoudre sa face et d'abolir son image ? Comment naissent les histoires ? Sinon par leur fin, souvent. Ainsi le présent est-il prescrit par hier, et demain, illisible, chiffré au passé, souvent très antérieur.
Dans un deux-pièces de la banlieue parisienne ignoré du GPS et de Google Earth, un homme qui a déjà vécu plusieurs vies entretient un dialogue obsédant avec son ordinateur dont l'écran liquide semble receler de vivantes images de son passé refoulé dans une forêt nordique d'Estonie, vingt ans avant la chute du mur de Berlin. Et affronte, sur fond de drame des sans-papiers, de rafle des camps "Roms", de réchauffement climatique et de tragédie de Fukushima, un passé qui revêt, sur / sous écran, les couleurs d'un conte originel, dont les ogres désormais numérisés, percutant inlassablement son inconscient et sa mémoire archaïques, l'obligent à se réinventer dans la "vraie" vie.
Trois récits déclenchés par une image dessinent plusieurs trajectoires possibles dans le labyrinthe des passions et composent un triptyque en forme d'art poétique et d'hommage lyrique et fiévreux aux forces vives de la création.
Aden. Aden Seliani est entré par effraction dans la mémoire d'un cerveau informatique. Il n'en sortira qu'au prix d'un voyage vers lui-même, longtemps différé. Entre Paris, où il vit, New York et la banlieue de son enfance, Villeneuve-Saint-Georges, trois jours et trois nuits d'allers et retours urbains anarchiques, qui sont aussi un déplacement entre l'histoire de l'Europe contemporaine et sa propre histoire de fils d'immigrés, pleines du bruit des guerres, dans le nuage atomique du siècle. Il marche, il prend des métros, des trains de banlieue, croise des êtres aussi divisés que lui, prisonniers des frontières intérieures et orphelins de la mémoire : Iana, sa mère mourante, et son mari Otar ; Owen l'Américain ; Kerin, l'Irlandaise ; Li Song et son père ; et le professeur du collège qui rôde dans la gare...
Mais il n'y a d'autre ailleurs à espérer que nous-mêmes.
A travers le roman de Aden Seliani, cet homme "qui a atrocement mal et oublie chaque jour de s'en souvenir", Anne-Marie Garat nous donne un livre d'une pénétration et d'une force singulières sur la condition contemporaine. Comment, cahoté par l'histoire, privé un peu plus chaque jour de repères et de véritable langage, s'adopter soi-même pour pouvoir à nouveau partager ?
A Bordeaux, pendant la guerre, Marie et Lise se sont réfugiées dans une maison où elles vivent comme mère et fille, tentant de combler leur manque affectif de toujours par le bonheur égoïste qu'elles partagent aujourd'hui autour d'une cuisinière.
Une voyageuse que fascinent les images, les tableaux et les photographies éclaire son passé d'une écriture qui fait dire qu'on ne raconte pas l'histoire d'un tel livre, on la palpe dans son étoffe, on la hume dans ses parfums, on la ressent dans sa musique.
Romancière singulière, amoureuse de l'image, chez qui la mémoire passe par le cadrage, l'ombre et la lumière, Anne-Marie Garat se prête au jeu de la collection Essences. Les champs s'ouvrent, les réminiscences olfactives précèdent le développement de son imaginaire comme autant de solvants et autres sels d'argent au parfum entêtant qui soudain révèlent un lieu, une histoire relégués aux confins d'une mémoire oublieuse.
Dernier volet d'une trilogie sur l'imaginaire, "Hongrie" est un subtil mélange de poésie bucolique et de voyage intérieur. Anne-Marie Garat y chante l'errance imaginaire dans les paysages du souvenir auxquels les sensations du présent infusent toute leur vitalité émotionnelle. Un hommage lyrique et fiévreux aux forces vives de la création.
Convoquant l'origine, la filiation, l'appartenance et l'identité, la photo de famille établit un des liens les plus intenses à l'histoire privée et collective ; l'album de famille, sous ses allures de banal compte-rendu de la vie ordinaire, cèle un récit violent d'amour et de mort. À travers l'exploration d'une quarantaine de photos d'anonymes, Anne-Marie Garat dévoile son rapport d'écrivain à ce genre populaire longtemps dévalué, et nous conte l'histoire de nos chambres noires, où s'écrit le roman familial.
Joseph aime Odile, il aime István, son ami de jeunesse, il aime aussi Christine, et Alicia, une fille étonnante, spécialiste du magdalénien, et aussi sa tante Emma. Il aime observer son jardin, à la jumelle ou à l'oeil nu, il aime être nu. Mais voici qu'il y a un mort depuis huit jours dans le jardin, près du clapier à lapins.
Odile est absente, et ce week-end István arrive de Budapest, par le train du soir. Alors Joseph se demande où est l'anomalie, quel couteau il a perdu, quelle femme le guette aux Galeries Lafayette. Il se demande pourquoi István, son meilleur ami, file nuitamment un homme dangereux sur les quais de la Seine; et s'il a vraiment reconnu Alicia dans un peep-show de Milan; pourquoi il garde dans ses poches la photo d'une femme nue en posture acrobatique, du sable dans une boîte, un ticket de consigne de la gare de l'Est. Enfin Joseph voudrait savoir quelque chose. Mais on apprend toujours trop tard qu'il aurait fallu ne pas entendre, ne pas voir. Et nous vivons avec les ombres, avec les fantômes.
Un superbe exercice de style où la narratrice, du sommet d'une rotonde, décrit toute la scène du récit et son intrigue à partir d'une vision panoramique.
Cette chose si délicatement ordinaire et cruelle qu'est l'expérience de la mort, comment la dire, comment l'écrire ? Comment lui trouver un traitement approprié quand aucun traitement, précisément, n'a pu s'appliquer ni à mon père, ni à ma sœur, morts tous les deux à quelques semaines d'intervalle, de mort lente ? Comment collecter sans vomir cette langue noire de la mémoire, ce mal ?
J'ai pensé à Bohumil Hrabal juché sur son toit en pente au soleil de Prague, assis sur sa chaise aux pieds sciés, il écrit en équilibre instable, et soudain cet hiver il est mort, il est tombé du toit. Et ça m'a fait peur, car tout ce que je croyais impossible perdu enfoui, gravement détérioré vraiment incinéré massacré s'est mis à crier, crier.
Comment se remettre d'aplomb chaque matin, comment tuer la peur ?
Comment tuer la peur, je me le demande.
A.-M. G.
Avec la virtuosité littéraire qu'on lui connaît, Anne-Marie Garat propose du plus célèbre conte de Perrault une lecture originale et personnelle, qui dénonce la passion dévorante unissant les mères aux filles et désigne l'enfant comme objet obsessionnel du désir féminin.
Quelle mise en scène, vous avez remarqué? On dirait une photographie filmée, tant est immobile. Tout est immobile. Le seul signe animé, le seul signe que c'est du cinéma, c'est le ventilateur. Il fait bouger le voile, il balaie le visage avec de la lumière comme un pinceau de cinéma primitif. C'est ce qu'on appelle du cinéma d'animation. Je vais vous dire, si vous mon avis : pour moi, cette femme est aussi morte que le troupeau de spécimens du musée. Il n'y a que le cinéma pour nous donner la grande illusion de rendre vivants les morts. Pour ressusciter Lazare et le sortir du tombeau. Lèvre-toi et marche. Et on remonte le temps, on remonte la pendule à l'envers, à rebours des fleuves, à l'envers des histoires, la trajectoire de l'accident, le saut du suicidé dans le vide, l'invention de la créature, on remonte avent le péché originel, dans la nuit préhistorique.
- Pas du tout, dit Merle, on ne remonte rien. Quand c'est monté, c'est fini. Quand c'est filmé, c'est sans recours, ça a eu lieu et on n'y peut plus rien, c'est devenu historique.
- Si vous voulez, dit Chaplain, conciliant. Alors, comme ça, vous vous appelez Merle ?
- Merle, oui, dit Merle, interdite.
- C'est un drôle de nom d'oiseau, Merle, pour quelqu'un.
- C'est le mien. "