À l'instar de Baudelaire ou d'Apollinaire, Aragon sera toujours l'un des plus grands poètes de Paris, comme en témoigne cette anthologie
Des proses éblouissantes du
Paysan de Paris à
La Semaine sainte, des
Beaux Quartiers à
En étrange pays dans mon pays lui-même, Louis Aragon n'a cessé de célébrer une cité que ses amis surréalistes prenaient pour le décor de leurs rêves, un " Paris qui n'est Paris qu'arrachant ses pavés ". Il intègre ainsi la famille de tous ceux qui ont chanté la ville lumière et décide de sa filiation en donnant à relire, comme en surimpression, les tableaux parisiens de Baudelaire, les poèmes d'Apollinaire, le Paris de Francis Carco et de Robert Desnos. Mais Paris est également le théâtre où se joue l'histoire d'un amour écrit aux portes de la légende : celui que Louis voue à Elsa, rencontrée en 1928. Le poète ne se contente pas de célébrer les endroits que le couple fréquentait - à travers Elsa, il retrouve l'empreinte affective que le temps a laissée sur les murs de la capitale. Et lorsqu'Aragon écrit : " Arrachez-moi le coeur vous y verrez Paris ", nous comprenons, bien sûr : " Il ne m'est Paris que d'Elsa ".
" Qui n'a pas vu le jour se lever sur la Seine
Ignore ce que c'est que ce déchirement
Quand prise sur le fait la nuit qui se dément
Se défend se défait les yeux rouges obscène
Et Notre-Dame sort des eaux comme un aimant "
(" Le paysan de Paris chante ")
Des poèmes qui symbolisent la résistance littéraire en France.
" La rose et le réséda ", " Il n'y a pas d'amour heureux ", " Ballade de celui qui chanta dans les supplices ", les poèmes ici rassemblés ne sont pas seulement devenus des classiques incontournables de la poésie française du XXe siècle, ils sont aussi le chant des années les plus sombres de notre histoire. C'est d'un pays prisonnier que la voix d'Aragon sonne la diane, roulement de tambour destiné à réveiller la patrie endormie. Le poète parle comme Charles d'Orléans, comme Hugo, comme Péguy. Son chant est celui d'une France éternelle, blessée. Plein de colère et d'amour, de tendresse et de révolte, il s'élève au coeur de Brocéliande et par-delà les quais de la Seine pour apporter aux hommes l'espérance de la victoire. Cette édition rassemble deux recueils,
La Diane française et
En étrange pays dans mon pays lui-même, qui furent d'abord publiés séparément par Pierre Seghers.
" Trouver des mots à l'échelle du vent
Trouver des mots qui pratiquent des brèches
Dans le sommeil comme au soleil levant
Des mots qui soient à nos soifs une eau fraîche "
(" Je ne connais pas cet homme ")
Le grand livre de la maturité d'Aragon, ce poète courtois égaré au XXe siècleAu cours de l'été 1963, Louis et Elsa partent pour quelques jours de vacances dans le Plat Pays, sur les traces d'Edgar Allan Poe ou de Théophile Gautier. Mais ce recueil ne s'apparente en rien à une suite de cartes postales, il raconte " Une saison d'homme / Entre deux marées / Quelque chose comme / Un chant égaré ". Période de doute, période d'orage : il pleut à verse et les fleuristes ont portes closes. Le temps sur le poète a fait son travail de sape : il approche ses soixante-dix ans, Elsa est malade et les relations entre les anciens amants ne sont pas des plus apaisées. Les années soixante se veulent insouciantes, modernes, consommatrices et le vieux poète courtois s'y sent en terre étrangère. S'il est toujours le grand bâtisseur du mythe d'Elsa, il parle ici de l'amour au passé, de l'amour désespéré, de son sentiment de perte et de sa terreur de l'abandon. Si la peur d'aimer et d'être aimé ont toujours traversé l'oeuvre Aragon, elles offrent ici parmi les plus belles pages de poésie sentimentale jamais écrites. Passant par Wassenar, Amsterdam, Eierland, le labyrinthe bleu et blanc, puis les onze sections de l'Enfer, le lecteur est ainsi appelé à embarquer pour un voyage réel et onirique, un exil duquel il reviendra régénéré.
Pétrarque a chanté Laure, Ronsard, Hélène, Lamartine, Elvire ; c'est à Elsa qu'Aragon adresse ses poèmes d'amour, parmi les plus beaux jamais écrits. Mais ici, le lyrisme amoureux est associé au patriotisme, et le poète fait du chant d'amour un acte de résistance.Publié en Suisse en 1942, puis diffusé sous le régime de Vichy grâce à la négligence d'un censeur,
Les Yeux d'Elsa comporte d'innombrables allusions à l'Occupation. À travers l'évocation de la France médiévale, Aragon invite son lecteur à reconnaître les déchirures du présent et à s'engager dans la défense d'un pays dévasté.
Cette édition intègre la préface rédigée en février 1942, ainsi que trois textes en prose : " La leçon de Ribérac ", " La rime en 1940 " et " Sur une définition de la poésie ".
" Tes yeux sont si profonds qu'en mepenchant pour boireJ'ai vu tous les soleils y venir se mirerS'y jeter à mourir tous les désespérésTes yeux sont si profonds que j'y perdsla mémoire "