Mon premier est un écrivain qui devient un assassin. Quel rapport a-t-il avec Francisco Goya ? Ma deuxième est prisonnière d'une brute, mais elle aime l'assassin. Quel rapport a-t-elle avec le modèle que peignit Goya en 1827 sous le titre La Laitière de Bordeaux ? Mon troisième est un marchand d'appareils électro-ménagers. Son décès subit fera beaucoup de bruit. Quel rapport a-t-il avec Charles IV roi d'Espagne, que portraitura aussi Goya ? Mon tout est un roman d'amour, ou un roman policier, ou un roman syldave, ou un roman à clefs. Pleurez, amusez-vous... de toute manière, la mort sera au rendez-vous.
Pierre Ajame - journaliste au Nouvel Observateur - a consacré les dernières années de sa vie, et donc ses dernières forces, à écrire ce livre sur Hergé. Pierre Ajame était moins archiviste qu'homme de plume et de lecture. Il a choisi de se pencher sur l'oeuvre comme un voyageur doué de cette culture, de ce don de synthèse et de comparaison qui sont le lot des grands lecteurs. Tintinophile enragé, il est parti sur les traces de son héros, tel un détective littéraire relevant un à un des indices à peine visibles. Il a fouillé l'histoire d'Hergé, l'Histoire tout court, dressant la toile de fond indispensable à la compréhension de l'oeuvre, laquelle reste toujours au premier plan, branches et racines. Pierre Ajame avait presque terminé ce livre lorsque la maladie l'emporta. L'ouvrage était à peu près achevé. Il restait à en corriger les scories et à en assurer la bonne publication. Et s'il y a quelque douleur à relire et achever le travail d'un ami disparu, les bonheurs existent aussi. Ce sont ceux de l'ultime rencontre. Ils sont ici inespérés. Pierre Ajame écrivant sur Hergé, c'est Pierre Ajame tel qu'en lui-même : une générosité, une plume, un paradoxe.