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Gallimard
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Rhinocéros est la pièce la plus riche de Ionesco. Elle ne perd rien de l'esprit d'innovation, de provocation, des premières pièces. Comme elles, celle-ci mélange les genres et les tons, le comique et le tragique. Mais l'innovation principale qui s'introduit ici est la réflexion sur l'Histoire, à travers le mythe. La pièce est une condamnation de toute dictature (en 1958, on pense au stalinisme). Ionesco condamne autant le fascisme que le communisme. C'est donc une pièce engagée : "Je ne capitule pas", s'écrie le héros.
Le rhinocéros incarne le fanatisme qui "défigure les gens, les déshumanise". On sent l'influence de La Métamorphose de Kafka. Dans une petite ville, un rhinocéros fait irruption. Par rapport à lui, les personnages prennent diverses attitudes. Certains se transforment en rhinocéros ; un troupeau défile. Seul Bérenger résiste à la marée des bêtes féroces, symboles du totalitarisme. -
Dans une action concentrée, où tout ce qui compte est ce qui n'est pas dit, deux hommes s'affrontent, prennent à tour de rôle la position du dominant ou du dominé, deux amis se brouillent - peut-être - "pour un oui ou pour un nom". La tension qui existe sous les mots les plus simples, les mouvements physiologiques et psychiques souterrains communiquent au public une sensation de malaise, en même temps qu'ils le fascinent. Car cette dispute est la nôtre, ces mots, nous les avons prononcés, ces silences, nous les avons entendus. Tout un passé refoulé se représente, une profondeur inconsciente, des pulsions agressives. Par les mots, nous nous déchirons nous-mêmes, et nous déchirons les autres. Mais le silence est pire.
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Genet nous avertit. Il ne faut pas prendre cette tragédie à la lettre : "C'est un conte, c'est-à-dire une forme de récit allégorique." "Sacrées ou non, ces Bonnes sont des monstres. Elles ont vieilli, elles ont maigri dans la douceur de Madame. Elles crachent leurs rages."
Les domestiques sont des êtres humiliés dont la psychologie est pertubée. Austères dans leur robe noire et souliers noirs à talons plats, les bonnes ont pour univers la cuisine et son évier ou la chambre en soupente, dans la mansarde, meublée de deux lits de fer et d'une commode en pitchpin, avec le petit autel à la Sainte Vierge et la branche de buis bénit.
Genet a réussi cette pièce, Les Bonnes, peut-être parce qu'il revivait, à l'intérieur de ses personnages, en l'écrivant, sa propre humiliation. -
Pour expliquer le succès du Roi se meurt, on a dit que c'est un classique. Il montre l'homme ramené à sa condition fondamentale. Donc à l'angoisse devant la mort. Cet homme qui parle avec les accents du roi Lear est néanmoins notre contemporain. Il est tellement notre contemporain que son histoire - une existence qui a oublié ses limites - reflète exactement la célèbre "crise de la mort" qui secoue l'Europe de l'après-guerre. Le Roi se meurt n'est pourtant pas une pièce triste. D'abord, parce que l'humour n'y est pas absent. Ensuite, et surtout, parce que Ionesco propose les remèdes pour sortir de la crise. C'est également cela, une grande oeuvre classique : une leçon de dignité devant le destin.
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Édition enrichie de Roger Grenier comportant une préface et un dossier sur l'oeuvre.
"Il faut représenter la vie non pas telle qu'elle est, mais telle qu'on la voit en rêve." C'est ce que proclame un des personnages de La Mouette.
Et Tchékhov avoue que sa nouvelle pièce transgresse les lois du théâtre : 'C'est une comédie : trois rôles de femmes, six rôles d'hommes, quatre actes, un paysage (vue sur un lac), beaucoup de conversations littéraires, peu d'action, cent kilos d'amour.'
Pourtant, quand on parle de l'oeuvre théâtrale de Tchékhov, on pense tout de suite à La Mouette. Et l'oiseau, ses ailes déployées, reste l'emblème du Théâtre d'Art de Moscou. -
Au départ, la situation n'a rien que de très naturel. Un professeur accueille sa jeune élève pour des cours particuliers. Elle apprend ce qu'on lui enseigne. Le professeur est obséquieux et son élève espiègle : c'est dans l'ordre des choses. Pourtant, très rapidement, cette mécanique familière se détraque et s'emballe.
Frustré par les lacunes de son élève, le professeur se fait de plus en plus exigeant. Des présentations galantes, on passe à l'arithmétique, à la linguistique, puis à l'hypnose. La leçon tourne à la leçon de choses. Peu à peu, l'élève abrutie devient femme-objet, et la mécanique poursuit encore et toujours son accélération.
Parodie de l'apprentissage répétitif, cette Leçon sous tension est aussi la satire de toute relation d'autorité. Loin d'être l'instrument de la connaissance, le langage s'y révèle l'alibi d'un pouvoir absurde et pervers, d'un engrenage pulsionnel qui tourne à vide, guettant sa prochaine proie. -
GAEV, ouvrant une autre fenêtre.
Le jardin est tout blanc. Tu n'as pas encore oublié, Liouba ? Cette longue allée s'en va tout droit, comme une courroie tendue, elle brille par les nuits de lune. Tu t'en souviens ? Tu n'as pas oublié ?
LIOUBOV ANDRÉEVNA, regarde le jardin par la fenêtre.
Oh, mon enfance, ma pureté! Je dormais dans cette chambre d'enfants, d'ici je voyais le jardin, le bonheur se réveillait avec moi tous les matins, et le jardin était comme il est là, rien n'a changé... Si je pouvais enlever ce poids de ma poitrine, de mes épaules, si je pouvais oublier mon passé !
GAEV
Oui, le jardin sera vendu pour dettes, aussi étrange que cela puisse paraître. -
Si tout le monde a entendu parler de La Cantatrice chauve, rares sont ceux qui en connaissent la source : c'est à partir des dialogues de L'Anglais sans peine de la méthode Assimil, mettant en scène un couple d'Anglais, M. et Mme Smith, leur bonne Mary et leurs invités, que les répliques de Ionesco se sont naturellement assemblées, produisant ce que l'auteur nomme une "anti-pièce", une vraie parodie de théâtre. Par son esprit de dérision prenant le contre-pied de la tradition et ses sketches menant à un dénouement digne des surréalistes, La Cantatrice chauve, créée en 1950, est l'une des oeuvres emblématiques du théâtre de l'absurde et le symbole du théâtre moderne en marche.
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La guerre de Troie n'aura pas lieu
Jean Giraudoux
- Gallimard
- Folio théâtre
- 17 Février 2015
- 9782072529993
Édition enrichie de Jacques Body comportant une préface et un dossier sur le roman.
Une nouvelle guerre, quand la précédente s'achève à peine, et qu'on a juré qu'elle serait la dernière ? Et que la prochaine s'annonce perdue d'avance ? Deux heures pour faire défiler le personnel de l'Iliade, plus près de la tragédie que de l'opérette. La tribu royale, assemblage de belle-mère, de belles-soeurs et de beau-père, est bouleversée par l'arrivée d'une bru un peu trop voyante : la belle Hélène remise en scène en femme fatale.
La guerre de Troie n'aura pas lieu, créée par Louis Jouvet à la fin de l'année 1935, d'abord brûlante de l'actualité d'avant-guerre, s'est révélée intemporelle. La plus célèbre pièce de Jean Giraudoux a été traduite de pays en pays et reprise de guerre en guerre et de siècle en siècle. La guerre est-elle fatale ? Deux heures d'angoisse éclairées par l'humour, politesse du désespoir. -
Huis clos ; pièce en un acte
Jean-Paul Sartre
- Gallimard
- Folio théâtre
- 26 Septembre 2019
- 9782072790430
"Huis Clos a été présenté pour la première fois en 1944. Moshé Naïm a réuni les acteurs qui ont créé la pièce et l'a enregistrée en 1964. A l'encontre de la représentation scénique où les personnages sont présents et visibles, la réalisation de cette pièce sous une forme uniquement sonore lui apporte une dimension nouvelle, qui correspond mieux au sens même des personnages décrits par l'auteur comme "morts" ou "absents". La notion d'absence ne pouvait pas être mieux représentée que par la voix des acteurs.
Jean-Paul Sartre aimait ce raisonnement. Il a ainsi préfacé par la parole en enregistrant et en commentant "L'enfer c'est les autres", après avoir évoqué la "cause occasionnelle" qui l'a amené à écrire Huis Clos. Frémeaux & Associés remet à la disposition du public ce document unique de l'histoire de la philosophie dans le théâtre incarné par Jean-Paul Sartre et les comédiens d'origine."
Claude COLOMBINI-FRÉMEAUX -
Le Barbier de Séville, Le Mariage de Figaro, La Mère coupage : La Trilogie de Figaro
Beaumarchais
- Gallimard
- Folio théâtre
- 10 Octobre 2024
- 9782073035578
Sa célébrité, Beaumarchais la doit assurément à la trilogie de Figaro. À en croire le dramaturge, Le Barbier de Séville et Le Mariage de Figaro, les "deux comédies espagnoles" de sa "turbulente jeunesse", n'ont été conçus que pour préparer son dernier drame, celui de sa vieillesse. Vingt années séparent Le Mariage de Figaro de La Mère coupable, qui clôt le "roman de la famille Almaviva". Le comte et la comtesse, qui ont quitté l'Espagne pour s'installer dans le Paris révolutionnaire, sont la proie d'un nouveau Tartuffe, noir scélérat que parvient à démasquer l'insolent Figaro.
D'une grande modernité théâtrale, la forme même de la trilogie organise à différentes saisons de leur vie le retour de personnages familiers qui continuent de peupler notre imaginaire. Cette édition, qui offre pour les trois pièces un texte entièrement révisé, dévoile les ressorts de la figaromania, ce parcours si singulier de la subversion à la patrimonialisation. -
En Norvège, dans 'une maison confortable et de bon goût', une famille se prépare à fêter Noël. Mais le douillet et rassurant cocon se fissure quand le secret de Nora, la jeune et joyeuse épouse, menace soudain d'être dévoilé à son mari. Dès lors, toute allégresse recule, et les enfants aux joues rouges s'effacent devant des personnages qui surgissent tour à tour amie de jeunesse, médecin, créancier , semant le doute et l'inquiétude. En ébranlant ainsi la certitude lisse de son héroïne qui pensait avoir toujours agi comme elle le devait, Ibsen crée l'une des grandes figures du théâtre nordique, dont on continue d'interroger la volte-face et la destinée.
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Depuis longtemps, Électre endure la douleur de côtoyer tous les jours les assassins de son père Agamemnon, roi de Mycènes : la reine Clytemnestre, sa propre mère, et son amant Égisthe. Mais un nouveau deuil vient l'accabler : des messagers entrent dans le palais et lui remettent une urne funéraire¿: Oreste, ce frère qu'elle avait sauvé et dont elle attendait tant le retour, serait mort. Comment dès lors la mort de leur père pourrait-elle être vengée ?
À la fin de sa longue carrière, alors que décline la puissance d'Athènes, Sophocle répond à l'Orestie d'Eschyle et se démarque d'Euripide en construisant sa propre tragédie des Atrides autour de l'affrontement entre la fille et sa mère. Après Antigone et OEdipe, aujourd'hui comme hier, son Électre fait explorer jusqu'à l'horreur les limites de la justice, la complexité des liens familiaux et les pouvoirs du théâtre. -
La bonne moitié : Comédie dramatique en deux actes
Romain Gary
- Gallimard
- Folio théâtre
- 4 Avril 2024
- 9782073039804
Toute sa vie, Romain Gary s'est rêvé en homme de théâtre. Inspirée en partie de son roman Le Grand Vestiaire (1949), remaniée durant une trentaine d'années, La Bonne Moitié (1979) est pourtant l'une des deux seules pièces publiées de son vivant.
À la fin de la Seconde Guerre mondiale, quatre adolescents orphelins ont été recueillis par un vieil homme engagé dans la Résistance. Mais quand ces derniers découvrent que leur protecteur est aussi un traître ayant collaboré avec la Gestapo, ils se trouvent confrontés à un dilemme : doivent-ils dénoncer le vieil homme ou l'aider à s'enfuir ? Puisqu'il a oeuvré en partie pour la Résistance, sa "bonne moitié" peut-elle suffire à l'exonérer de la "mauvaise" ?
Face à ses juges improvisés, l'accusé n'est pas seulement un individu appelé à rendre compte d'actes personnels, il est aussi le représentant de l'humanité tout entière, avec ce qu'elle comporte de foncièrement mauvais et d'inhumain. -
Dans la Grèce antique, Électre et Oreste tuaient leur mère Clytemnestre et son amant Égisthe pour venger leur père Agamemnon, roi d'Argos, que ce couple adultère avait assassiné.
Ici, le roi est mort, croit-on, par accident. Électre va épouser un jardinier. Surviennent trois fillettes, les Euménides, qui grandissent à vue d'oeil, un mystérieux mendiant qui divague, et un étranger qui prend soudain la place du fiancé. Alors, seulement, Électre se met en chasse, cherche d'où vient la haine qui l'étouffe. Elle déterre des crimes oubliés, préférant la vérité à la paix : « À chaque époque surgissent des êtres purs qui ne veulent pas que [l]es grands crimes soient résorbés [...], quitte à user de moyens qui provoquent d'autres crimes et de nouveaux désastres. Électre est de ces êtres-là », disait d'elle Jean Giraudoux. Mise en scène par Louis Jouvet en 1937, sur fond de crise économique et politique en France, de guerre civile en Espagne et de montée des périls en Europe, cette « pièce policière » qui mêle l'humour au drame, inspirée tout autant par Euripide ou Sophocle que par Agatha Christie, est une grande tragédie politique moderne. -
Écrite avec la noirceur de la jeunesse - Tchékhov a entre vingt et vingt-deux ans -, cette pièce annonce déjà tous les thèmes de son oeuvre théâtrale : personnages à la dérive, solitaires qui passent de l'exaltation à la culpabilité, domaine perdu, le monde vu comme une grande scène de sottise et de folie. Platonov est plus intelligent que ceux qui l'entourent, présentés comme une bande d'ivrognes cupides. Ce qui le perd, c'est qu'il est un incorrigible coureur de jupons. Mais faible, et même lâche. Pièce perdue, retrouvée en 1920, elle ne fut créée qu'en 1956, au T.N.P., par Jean Vilar, sous le titre de "Ce fou de Platonov".
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Mademoiselle Julie : Une tragédie naturaliste
August Strindberg
- Gallimard
- Folio théâtre
- 12 Octobre 2023
- 9782072966934
La fête de la Saint-Jean est là, avec ses fleurs, ses danses et ses chants : nuit claire du solstice d'été où les corps se libèrent, où les coeurs s'enflamment. Julie, une jeune artistocrate, vient de rompre ses fiançailles ; fuyant son milieu familial, elle préfère festoyer en compagnie des paysans et des domestiques. Et elle s'est mise en tête de séduire Jean, le valet de son père.
À l'assurance de la jeune femme, à ses provocations enjouées et cruelles, Jean oppose une résistance ferme, en lui rappelant sa condition. Mais, à mesure qu'avance cette nuit si particulière, les barrières de classes chancellent et les âmes sont mises à nu.
Ce huis clos brûlant (1888), dont chaque personnage contient en creux l'ombre de l'auteur suédois, est l'une de ses pièces les plus représentées à travers le monde. Mettant en scène la séduction incontrôlable, l'amour et ses illusions, l'angoisse et sa force destructrice, elle montre la logique implacable de l'ascension comme de la chute. -
Un homme et une femme font connaissance dans un jardin public.
Peut-être assistons-nous à la naissance d'un amour. Mais là n'est pas l'essentiel : dans ces instants partagés, dans ces silences échangés, ils atteindront à la fois une forme d'exil absolu et une forme de communion profonde.
La nuit peut venir. Le square peut fermer.
Après Nathalie Sarraute, après Beckett, mais d'une façon totalement singulière et qu'elle ne renouvellera jamais avec une telle évidence, Marguerite Duras s'est délibérément placée sur le terrain du rien, de ce rien qui est la chose même, le coeur des choses, et dont Flaubert, le premier sans doute, avait rêvé l'avènement. Non qu'elle se révèle ici héritière du réalisme ou représentante patentée du Nouveau Roman, mais c'est bien dans cette zone de l'infiniment petit, patiemment défrichée par la modernité, qu'elle choisit de se situer. -
Entraîné aux Enfers par la Statue du Commandeur, que devient Don Juan ?
Edmond Rostand nous le fait retrouver dix ans plus tard, dans un palais de Venise, prêt à se rendre au bal. Mais un montreur de marionnettes le contraint à revoir ses plans. Au cours d'une longue nuit de bataille avec le Diable, qui se révèle être aussi un face-à-face avec lui-même, Don Juan doit affronter chacune de ses anciennes conquêtes, mille et trois Ombres portant toutes "la rose, le manteau, le masque et l'éventail".
Après le feu d'artifice de Cyrano de Bergerac (1897), les fêtes et les fastes de L'Aiglon (1900) et de Chantecler (1910), La Dernière Nuit de Don Juan, publiée après la mort d'Edmond Rostand, brille d'une lueur crépusculaire. Il est temps de redécouvrir ce chef-d'oeuvre oublié où vacille le mythe d'un séducteur impénitent.
Ce volume contient un cahier hors texte en couleurs présentant des documents inédits (croquis et pages manuscrites d'Edmond Rostand). -
Six personnages ne peuvent poursuivre un dialogue normal à cause du silence d'un septième. L'existence de vide au coeur de l'échange traditionnel fait naître une spirale infernale où chacun est entraîné jusqu'à la destruction de toute vérité, de tout langage. Mais cette cantate à six voix en contient pourtant une septième, celle de l'humour.
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George Sand écrit en quelques jours, au printemps 1839, cette « fantaisie » qui compte parmi ses oeuvres les plus originales.
Au moment de la naissance de sa petite-fille, le prince de Bramante avait pris, dans le plus grand secret, la décision de l'élever comme un garçon, afin de pouvoir lui transmettre ses biens à sa mort. Gabriel, ignorant tout de sa nature véritable, mène donc l'existence physique et intellectuelle des jeunes gens de son âge jusqu'au jour de sa majorité où le prince lui révèle la vérité. Désormais, il lui faudra choisir : rester Gabriel, dans l'opulence et la liberté ; ou devenir Gabrielle, dans « l'éternelle captivité du couvent ».
Située en Italie, à une époque indéterminée, la pièce a néanmoins valeur universelle puisqu'elle illustre la singulière difficulté d'être femme dans une société qui tient pour acquis « la faiblesse et l'asservissement d'un sexe, la liberté et la puissance de l'autre ». -
Charles s'affaire devant le four, ouvre le champagne, dresse la table pour deux. On est au XXIe siècle, mais il a invité "Winston" à dîner. Pour Charles, que Solange a quitté, qui s'est noyé dans l'alcool et la dépression, Churchill est une figure paternelle, un héros qui, confronté aux mêmes démons, a su pourtant en triompher et vaincre les nazis. Charles connaît chacun de ses discours et chaque minute de cette année 1940 où l'Angleterre, solitaire, faisait face à Hitler. Très vite, hélas, plus rien ne va : son invité est en retard, bien sûr, et Charles, qui télétravaille pour une société d'assistance automobile, doit secourir par téléphone un client en plein désarroi.
Autour de deux antihéros, Hervé Le Tellier interroge la puissance de l'éloquence, la démocratie en temps de guerre et la notion d'homme providentiel. Dans une ambiance douce-amère, d'où jaillit le burlesque, il souligne la part d'ombre de Churchill, et révèle en Charles son double dérisoire et touchant. -
Grâce à l'opéra de Moussorgski, on connaît partout le nom du tsar qui a régné de 1594 à 1605 : Boris Godounov. Le compositeur, pour son livret, a fait de larges emprunts à la 'tragédie romantique' (1825) d'Alexandre Pouchkine. C'est à elle qu'il doit en particulier
l'extraordinaire personnage de l'Innocent. Le poète donne aussi beaucoup d'importance et d'éclat au faux Dimitri, petit moine qui se fit passer pour le fils d'Ivan le Terrible, et réussit à monter sur le trône de Russie.
Pouchkine savait que la censure interdirait la représentation ; il s'est donc accordé une liberté shakespearienne : fréquents changements de lieu, mélange du vers et de la prose... Sa tragédie a connu le même sort que cet autre chef-d'oeuvre, le Lorenzaccio de Musset : il aura fallu plusieurs décennies pour qu'on parvienne à en apprécier la puissance dramatique. -
Hedda Gabler est une des cinq dernières pièces d'Ibsen. Écrite à Munich en 1890, peu de temps avant le retour définitif de l'auteur en Norvège, elle fut aussitôt traduite et publiée en plusieurs langues et montée, d'abord à Munich au début de 1891, puis à Londres et à Paris à la fin de l'année. Ibsen y a rompu avec les aspects symboliques ou mystiques de pièces comme Rosmersholm : "J'ai essayé de décrire des êtres humains aussi exactement que possible, de façon aussi détaillée que possible, rien d'autre [...] ; on trouvera peut-être quelque chose de révolutionnaire dans ce drame mais c'est une chose qui demeure à l'arrière-plan."
La pièce a séduit bien des metteurs en scène ; il suffit de citer ici Lugné-Poe, Georges Pitoëff et Raymond Rouleau.
Altier et énigmatique, le personnage de Hedda a aussi tenté bon nombre de comédiennes, comme Marguerite Jamois, Ingrid Bergman et Delphine Seyrig (à la télévision) ; il reste un des grands rôles et une des grandes et sombres destinées du théâtre d'Ibsen.