En se concentrant sur l'aspect « orientation» de l'« orientation sexuelle », Sara Ahmed examine ce que signifie pour les corps le fait d'être situés dans l'espace et le temps. Les corps prennent forme lorsqu'ils se déplacent dans le monde en se dirigeant vers ou loin des objets et des autres. Être « orienté » signifie se sentir chez soi, savoir où l'on se trouve, ou avoir certains objets à portée de main. Les orientations affectent ce qui est proche du corps ou ce qui peut être atteint.
Selon Sara Ahmed, une phénoménologie queer révèle comment les relations sociales sont organisées dans l'espace, comment la queeresse perturbe et réordonne ces relations en ne suivant pas les chemins acceptés, et comment une politique de désorientation met à portée de main d'autres objets, ceux qui pourraient, à première vue, sembler dérangeants.
Dans cet ouvrage fondateur de la réflexion sur le genre écrit en 2006, Sara Ahmed propose qu'une phénoménologie queer puisse étudier non seulement comment le concept d'orientation est informé par la phénoménologie, mais aussi l'orientation de la phénoménologie elle-même.
En développant un modèle queer d'orientation, elle combine des lectures de textes phénoménologiques - de Husserl, Heidegger, Merleau-Ponty et Fanon - avec des idées tirées des études queer, de la théorie féministe, de la théorie critique des races, du marxisme et de la psychanalyse.
Grâce à Sara Ahmed, la phénoménologie queer a orienté la théorie queer dans de nouvelles directions audacieuses qui éclosent aujourd'hui.
Durant ces dernières années, la visibilité des personnes non-binaires qui revendiquent publiquement en anglais et en français leur identité au-delà du genre binaire s'est largement accrue. Alors que le singulier « they » a gagné la faveur de nombreuses personnes dans les espaces anglophones, les personnes francophones non-binaires ont dû faire face à d'autres défis concernant la langue et la syntaxe, étant donnée la nature binaire de la grammaire française elle-même. Ce volume collectif examine les tentatives récentes visant à mettre à la disposition de tout le monde une langue et des identités équitables, inclusives et expansives au sein des espaces linguistiques, culturels et pédagogiques francophones. De ce fait, Devenir non-binaire en français contemporain conteste l'idée reçue du genre non-conforme comme simple importation d'outre-Atlantique, d'un modèle identitaire à la base américaine.
Depuis les soulèvements du Printemps arabe en 2011, les changements politiques au Maroc et le Hirak en Algérie, le Maghreb redevient un territoire géopolitique animé par plusieurs défis. Dans des sociétés encore tiraillées entre un conservatisme tourné vers la sauvegarde des valeurs traditionnelles et une logique progressiste, les questions relatives aux droits des femmes refont surface pour devenir un enjeu politique et social important. Inquiètes pour leurs fragiles acquis, les femmes, parfaitement émancipées par le travail et les études, s'activent pour installer des rapports plus égalitaires entre le féminin et le masculin en matière de droits. Au coeur de ce combat pour l'égalité, la création littéraire des autrices du xxie semble à même de rendre compte de ce bouillonnement. Résolument tournés vers la modernité et en rupture avec un système patriarcal discriminant, les nouveaux personnages féminins dans la fiction maghrébine contemporaine, par leurs discours et à travers leurs manières d'agir, ébranlent les stéréotypes. Les romans d'Emna Belhaj Yahia, Sonia Chamkhi, Bahaa Trabelsi, Maïssa Bey, Malika Mokeddem et Halima Hamdane décrivent un monde en convulsion qui annonce une possible et durable révolution pour des femmes debout contre la fatalité.
L'opération de sauvetage des enfants nécessita le travail de plusieurs associations : des organisations juives et chrétiennes, avec des éducateurs et des travailleurs sociaux, ont agi pour sauver les enfants juifs des griffes des nazis et des collaborateurs français. Haya a été sollicitée, pendant des années, pour raconter son histoire, lors des commémorations de « la Shoah et de l'héroïsme ». Elle parlait de son enfance, de sa famille abandonnée dans la panique du départ en France. Elle racontait comment, restée seule avec son frère, elle avait échappé aux poursuites, comment elle était parvenue en Palestine sous mandat britannique. Elle a construit une nouvelle vie et une famille, au kibboutz Shloukhot.
Ce livre, écrit du point de vue d'une enfant de douze ans, intéressera toutes les générations. Le travail d'écriture a permis à l'auteur
d'exprimer les sensations et la compréhension d'événements enfouis dans la mémoire, et de rendre compte de tout ce qu'elle avait éprouvé
à cette époque.
Depuis Amsterdam, Berlin et Paris, Etty Hillesum, Charlotte Salomon et Hélène Berr rêvaient de se réaliser en tant que femmes à travers l'amour, et en tant qu'artistes à travers l'écriture, la peinture et la musique. De ces promesses de vie et de créativités qui leur ont été confisquées à l'âge de tous les possibles, trois oeuvres magnifiques ont néanmoins émergé de leur nuit. Elles nous parlent de dépassement de soi par l'art, par la foi, par l'engagement, mais elles portent aussi la parole mémorielle de tous les autres partis sans laisser de trace. La vie qui était en elles triomphe ainsi du silence et de l'oubli et sillonne désormais le monde par-delà les langues, les religions et les âges grâce à l'implication sans réserve d'hommes et de femmes s'exprimant dans ce volume. Leurs interventions contribueront donc à offrir en partage, notamment à la jeune génération, l'héritage humain et artistique de ces trois jeunes femmes aux destins bouleversés par l'Histoire. Cette rencontre éphémère à travers leur oeuvre le temps d'un colloque, nous permet enfin de rester fidèles à la promesse faite et d'espérer l'inscrire dans une parcelle d'éternité.
L'histoire des Juifs après leur expulsion d'Espagne en 1492 jusqu'à leur nouvelle installation dans les villes de l'Empire Ottoman a été une vraie odyssée. Certaines de ces villes, parmi lesquelles celle qui hébergeait la plus importante communauté, Salonique, sont devenues grecques à l'aube du xxe siècle. Les Juifs espagnols sont devenus au fil des siècles des Sépharades de l'exil, puis des Juifs Saloniciens bien enracinés dans leur ville et finalement, après 1912, des Juifs grecs. Il en fut de même pour tous les Juifs sépharades d'une quinzaine de villes dans le Nord de la Grèce. C'est en tant que Juifs grecs qu'ils vont être exterminés à Auschwitz-Birkenau et à Treblinka en 1943 et 1944.
Dans cet ouvrage, les étapes les plus importantes dans la construction et la transformation de leur identité sont suivies de près, en constituant un de ses fils conducteurs. Le sort de tous les Juifs grecs (sépharades et romaniotes) pendant l'Occupation et la mémoire de leur extermination constitue le second fil : déportation et extermination pour la majorité de la population, engagement dans la Résistance ou fuite et survie en se cachant pour une minorité.
Le silence qui a recouvert l'événement pendant de longues décennies et ses causes, l'émergence de cette mémoire et les voies qu'elle suit, les jalons de la mémoire culturelle de la Shoah en Grèce font aussi l'objet de cette étude. Cette mémoire, si longtemps occultée, commence ces toutes dernières années à se faire une place dans la mémoire collective grecque.
""Petit tu es, petit tu resteras", a dit Mengele, le médecin d'Auschwitz en m'envoyant à la chambre à gaz. J'étais effectivement petit lorsque ces évènements se sont produits. J'avais 10 ans lorsque je suis entré dans le ghetto de Lodz. J'ai eu 15 ans au moment des marches de la mort, à la sortie du camp. J'étais vieux avant l'âge. Je me suis rattrapé depuis et j'ai l'éternité devant moi". Témoin et acteur d'une histoire sans précédent, Léon s'est promis d'être le meilleur.
Arrivé en France en juin 1945 par l'intermédiaire de l'OEuvre de Secours aux Enfants (OSE), il devient cinq ans plus tard, champion de France de poids et haltères, "pour que plus personne ne lui marche sur les pieds" . Apprenti en sertissage, il reçoit, en 1978, le diplôme de Meilleur Ouvrier de France des mains de Valéry Giscard d'Estaing, à la Sorbonne. Ce qui lui ouvre les portes de la grande joaillerie.
"Bénies soient les mains qui se font elles-mêmes" , lui avait répété sa mère, Lola, morte dans les chambres à gaz de Birkenau, à qui il dédie ce texte.
Passions dévorantes invite à suivre la ligne de faille entre la quête de sensations gourmandes, repoussant toujours ses limites, et la perte de contrôle, dans le désordre alimentaire et l'abandon de soi. Sous les différentes figures de l'outrance incarnées, souvent dans la caricature, par le gourmand, le glouton ou le goinfre, l'imaginaire gastronomique peut se prévaloir encore d'une culture de la table et du goût, du bon et de la bonne chère. Passion du risque, l'excès compose avec la démesure, dépasse les bornes, mais se veut aussi dépassement de soi dans un rapport limite ou débordant aux attraits alimentaires. Une frontière toujours difficile à tracer, à mesure que la fréquence et l'intensité augmentent, de la gourmandise à la gloutonnerie, de la passion du vin au besoin d'alcool.
« Ce sont eux, ces témoins qui ont vraiment écrit l'histoire, des Juifs de Tunisie entre novembre 1942 et mai 1943. Ce sont dans ces récits que quelques historiens ont puisé leurs sources depuis soixante-dix ans. Nous devions tous les éditer ou les rééditer pour les rendre disponibles. Ces témoignages sont particulièrement précieux pour celui qui veut monter dans la machine à remonter le temps et en ces lieux où les Juifs tunisiens étaient taillables et corvéables et où leurs persécuteurs rêvaient de massacres que seule leur victoire pouvait provoquer, ou de déportation rendue impossible par le manque de navires et par la domination de la Navy. À ces obstacles auxquels se heurtait la barbarie nazie, ajoutons la réserve de la population arabe encadrée par les forces de police de Vichy. « Ces récits sont éclairés par le remarquable appareil critique de Claude Nataf qui réussit brillamment à faire de ces pages de mémoire des pages d'histoire, car il corrige, il précise, il informe, et il renseigne partout où il faut se poser des questions. Sans Claude Nataf, on lirait ces centaines de pages dans le doute , il nous guide, nous éclaire d'un bout à l'autre de cette traversée du semestre où les Juifs de Tunisie ont frôlé de très près la Shoah, et dont leurs voisins, les Juifs de Libye, ont été victimes. »
Voilà plus de vingt-cinq ans que Sarah Montard raconte inlassablement, en particulier aux jeunes, ce qu'elle a vécu durant la Seconde Guerre Mondiale. Comment, avec sa mère, elle s'est évadée du Vél' d'Hiv au premier soir de la rafle, le 16 juillet 1942, comment une dénonciation les précipita en mai 1944 au coeur de la tourmente nazie: à Drancy, dans l'enfer d'Auschwitz-Birkenau puis au camp de Bergen-Belsen où elles seront libérées le 15 avril 1945. Livrant enfin aujourd'hui son témoignage écrit, Sarah a choisi de s'adresser tour à tour aux êtres chers à son coeur, entremêlant le récit de sa vie de femme et de mère profondément marquée par la Shoah, et celui de son adolescence brisée. Ce texte fort délivre un message de courage et d'espoir dont la portée est universelle.
Loin du voyeurisme et du sensationnel récit, Claudia Tavares nous livre un témoignage poignant et celui d'une femme qui, depuis sa naissance, se bat contre l'injustice et pour le droit à la di érence. C'est le témoignage d'une battante qui a toujours cru en la vie, en sa bonne étoile et en ses rêves. Il a les accents d'une saudade brésilienne, la spontanéité d'un récit populaire et l'humour d'un film d'Almodovar.
Charles Palant a été arrêté à Lyon en août 1943, par la Gestapo, avec sa mère et sa soeur Lily âgée de 17 ans. Internés au Fort Montluc, ils sont déportés début octobre vers Auschwitz via Drancy , lui seul est revenu en 1945 après avoir connu la « marche de la mort » et la libération à Buchenwald.Dans son récit, Charles Palant, né en 1922 à Paris, raconte son parcours depuis son enfance dans le quartier populaire de Belleville où, comme sa famille, les Juifs immigrés vivaient alors nombreux. Le fil directeur de l'exposé lucide qu'il nous livre ici tient dans sa foi inébranlable en l'Homme, cette foi qui ne le quitta jamais, même au coeur des plus terribles épreuves.
Nicolas Roth est né dans la ville hongroise de Debrecen en 1927. Elevé dans la tradition orthodoxe, il verra à l'âge de deux ans sa soeur et son plus grand frère émigrer en France puis le second en Palestine.Son père, tailleur respecté dans la petite bourgeoisie environnante, l'élèvera avec sa dernière soeur dans un certain confort, mettant au premier plan les lois juives et l'étude du talmud.Il nous livre ici une description remarquable et détaillée de la vie d'une communauté juive en Hongrie après la Première Guerre mondiale et leur participation massive à l'effort de guerre, en nous décrivant tant ses désillusions que l'image qu'elle reflète à la population « magyar » non juive.
Artiste-peintre reconnu, François Szulman évoque ici son enfance dans le « Yiddishland » parisien. Né en 1931, François grandit dans le milieu modeste des émigrés juifs polonais ayant fui la misère et l'intolérance. Soutenu par un voisin peintre, il développe un don pour le dessin. Lorsque la guerre éclate, son père, Szlama, s'engage dans la Légion étrangère. Blessé au combat, il est fait prisonnier dans un Stalag et se garde de se déclarer juif. Dans Paris à l'heure allemande, François brille à l'école et dessine tout ce qu'il observe. Au rythme des rafles, les quartiers juifs se dépeuplent. Protégés par le statut de prisonnier de guerre de Szlama, François et sa mère échappent à la rafle du Vél' d'Hiv'. En février 1943, Szlama est libéré. La famille Szulman entre alors dans la clandestinité. François quitte son école et ne porte plus l'étoile jaune. Il dessine toute la journée. Dans leur planque de la rue Sainte-Marthe, sa mère malade s'éteint faute de soins. François et son père survivront grâce à la solidarité des résistants juifs qu'ils hébergent. Témoin de la libération de Paris, François la relate avec précision. Du métro Jaurès aux barricades de Belleville jusqu'à la Place de la République, il évite les tireurs embusqués et participe à la liesse de la victoire. Après la guerre, malgré les vicissitudes, il poursuivra avec succès sa carrière artistique.
La recherche internationale sur la génétique théâtrale menée depuis le début de ce siècle montre l'importance d'aborder le processus de création théâtrale, à la fois pour donner un nouvel éclairage sur les textes dramatiques eux-mêmes mais également pour réfléchir sur la nature et la spécificité de la création théâtrale et en rendre compte.Revisiter le théâtre à la lumière de la critique génétique afin d'ouvrir de nouvelles perspectives de réflexion épistémologique et méthodologique constitue le principal défi de cet ouvrage. Il actualise les enjeux de la génétique théâtrale à travers différentes études de cas. Les méthodes et instruments de travail développés ici offrent ainsi la possibilité d'une meilleure connaissance des différentes étapes des processus de la création théâtrale.
Maurice Wolman est l'un des six survivants du convoi n° 16 parti de France le 7 août 1942 déportant à Auschwitz plus de mille personnes innocentes et arrêtées parce qu'elles sont nées juives. Trois ans plus tard, après avoir retrouvé ses fils et appris la mort de sa chère épouse à Birkenau, Maurice noircit avec ses mots cinq cahiers pour nous décrire et nous transmettre, avec une grande probité, ce qu'il a vu et subi durant ses trente-trois mois sous le joug nazi. Ainsi, il rend compte de son arrestation par les Allemands sur la ligne de démarcation, de la séparation brutale, aux portes du camp de Pithiviers (Loiret), des enfants d'avec leurs parents déportés avec lui, de l'enfer de Birkenau dans sa phase d'aménagement comme centre d'extermination. Ses épreuves le conduisent ensuite au camp de concentration de Varsovie implanté dans les ruines du ghetto, à une « marche de la mort » jusqu'au convoi à destination du camp de Dachau, et enfin, à l'un des camps satellites de celui-ci à Mühldorf (Bavière), où il est l'esclave de l'Organisation Todt chargée des dernières constructions de gigantesques usines d'aviation pour une illusoire victoire. Maurice veut témoigner de l'atroce réalité des lieux dans lesquels il a réussi à survivre, des conditions de l'extermination de son peuple et de la cruauté des bourreaux. Il veut dire la violence, les assassinats, la terreur et la mort omniprésentes, l'arbitraire, le travail de forçat, la faim, la soif, l'insalubrité, les épidémies, mais aussi la solidarité et l'amour des siens sans lesquels il n'aurait pas survécu. Et il sait nous montrer ce qu'il a dû puiser en lui de force morale et de dignité pour résister. Héros de la victoire contre les menées destructrices de Hitler, Maurice a laissé un texte remarquable adressé à l'Humanité, contre l'oubli.
De 1789 à 1792, à l'initiative des colons de Saint-Domingue admis comme députés au sein de l'Assemblée nationale, les débats se focalisent sur la question des droits des hommes de couleur libres ou " mulâtres ". Hostile à la reconnaissance de ces droits, le lobby colonial d'alors réussit à écarter toute application aux " îles " de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen malgré les interventions répétées des membres de la Société des amis des noirs. Cet " abcès de fixation " permet de différer la suppression de la traite et la première abolition de l'esclavage.
"Une adolescence volée par le nazisme, ainsi pourrait être résumée celle de Nicolas Rosenthal, exilé des siens dès 1938, en apprentissage alors qu'il n'a pas quinze ans, avant de franchir clandestinement la ligne de démarcation en juillet 1942. Le Journal qu'il écrivit en français à partir de 1940, choix de rupture avec sa patrie d'origine empoisonnée par le national-socialisme, s'adresse à ses parents qui paradoxale-ment méconnaissent cette langue, comme un pont spirituel constituant un défi aux bourreaux. Sans doute, ses parents ont-ils pu le feuilleter, en parler à leur enfant qui les rejoignit dans la déportation après un aller-retour tragique d'à peine deux mois entre Paris, les camps d'internement de zone " libre " et celui de Drancy. Manuscrit impressionnant par ses qualités descriptives d'une France encore largement rurale, du monde du travail et de démarches légalistes dans le Paris de l'Occupation, le Journal de Nicolas Rosenthal est plus que cela. Ses qualités littéraires, les résonances d'un coeur en mouvement en font un des grands textes d'introspection écrits à vif par les témoins de la Shoah." Michel Laffitte
Cet ouvrage traite d'un sujet d'une extrême actualité : la destruction et le rapt culturel, véritable appropriation des biens et des oeuvres de l'esprit. La domination n'est pas que matérielle ou reposant sur la gestion du sol, mais est aussi intellectuelle. Elle sert à falsifier l'histoire et déposséder un peuple de son passé, tout en l'infériorisant. A partir du XVIIIe siècle, nous avons assisté dans l'histoire à un réel déplacement des biens culturels, à l'instar de ceux des êtres humains et des matières premières. La puissance d'un Etat est représentée par la mise à disposition de l'autre, provoquant chez les pays dominés un traumatisme social dans la formation de l'identité. Faire table rase du passé, de ce passé qui dérange. Cela démontre la façon dont le passé culturel fait peur. Se l'approprier ou le détruire sont des façons d'attaquer l'intime de la formation de l'identité de l'autre, afin que celui-ci ne puisse pas s'exprimer ou se révolter pour atteindre son autonomie.
L'objet joue un rôle aussi important dans la construction des relations sociales que dans leur révélation. Le téléphone portable devient aujourd'hui un outil de communication omniprésent dans notre vie quotidienne et dans nos relations avec les autres. Bien que le téléphone ait des fonctions prédéfinies par des designers, celles-ci sont actualisées et développés au cours de son utilisation qui peut varier d'une culture à l'autre.
Cet ouvrage est le résultat d'une étude basée sur des enquêtes de terrain menées à Changsha, en Chine. L'auteure examine les implications sociales du téléphone portable et des différences entre les Chinois et les Français observées tant dans les pratiques que dans les représentations de cet objet. Elle s'interroge sur les valeurs sociales attachées au téléphone portable, les significations symboliques que porte le numéro de téléphone, l'utilisation de l'appareil dans les lieux publics et dans les interactions interpersonnelles.
En 1971, Linda Nochlin s'interrogeait sur la visibilité des femmes dans le monde de l'art. À travers ce travail de recherches effectué lors de mon doctorat, il est question de reprendre ce questionnement fondateur afin d'analyser les diverses étapes que la femme a dû traverser du xixe siècle jusqu'à nos jours. De par un discours centré essentiellement sur Camille Claudel et Louise Bourgeois, d'autres artistes femmes vont être sollicitées afin de comparer leurs parcours. Ceci pour comprendre la démarche artistique de ces femmes dont l'intimité surgit au travers de leurs oeuvres. L'intime, sous diverses formes et médiums proposés, est le moteur de leurs créations. À cela, vient s'ajouter la possible interrogation sur l'existence d'un « art féminin » ou d'un art des femmes dont le noyau central serait l'éclosion de cet intime qu'elles font partager au public. L'analyse des oeuvres et leur réception par le public seront des éléments clés de ce discours. La redécouverte et la reconnaissance dite tardive de Camille Claudel et Louise Bourgeois dans les années quatre-vingt est l'un des éléments importants étudiés dans ce travail. Ces deux artistes, sculptrices, sont liées par le temps - 1982 - et par la vie dont le passé est la source majeure de leurs oeuvres.
L'oeuvre de Pierre Michon, contemporain majuscule, rencontre un public toujours grandissant. Mais alors que
l'importance du sacré y est manifeste, elle n'avait encore jamais été étudiée pour elle-même. C'est à quoi s'attache
cet ouvrage, parcourant les différents textes de Pierre Michon pour y mettre en évidence la nature et la fonction
du sacré. Sacré chrétien et sacré archaïque s'y rencontrent, s'y affrontent, dans un tressage de références qui irrigue
la prose de Michon et participe à son identité même.
Essentiel à l'élaboration d'une écriture qui voit en Dieu le dédicataire de l'art, le sacré ne saurait pourtant se réduire
à la littérature : le traitement que lui réserve Michon le fait apparaître comme l'un des centres de gravité de sa vision
du monde.
Le Comité de bienfaisance israélite de Paris constitue, à la fin du xixe siècle, le bras armé des institutions juives parisiennes en matière de charité, s'occupant de secourir les pauvres de confession juive de la capitale. Depuis 1887, il dispose d'un conseil d'administration composé de notables qui participent à sa direction et organisent ses activités. L'étude de ces administrateurs et de leur implication dans la vie du Comité de bienfaisance éclaire la manière dont celui-ci fait l'expérience des transformations à l'oeuvre dans la capitale dans les milieux de la réforme sociale et de la bienfaisance privée. Alors que le Comité de bienfaisance israélite de Paris est progressivement modernisé et laïcisé, qu'il doit faire face à l'immigration juive et de la montée de l'antisémitisme, l'analyse de ses membres questionne également la place de la pratique de la philanthropie dans le processus d'émancipation des juifs de France à l'époque de l'affaire Dreyfus.
Elle s'appelait Ida...
Née en 1924 à Marseille dans une famille juive arrivée de Salonique (Grèce) au début du siècle, elle a vu sa jeunesse insouciante broyée par les menées exterminatrices nazies. Arrêtée le 9 mai 1944, déportée à Auschwitz II-Birkenau (convoi no 74), elle recouvra la liberté un an plus tard dans les Sudètes. Comme un signe, c'est un 9 mai, 68 ans plus tard, qu'elle nous a quittés.
Elle a heureusement pu nous transmettre son témoignage, celui d'une femme énergique et courageuse, retranscrit après de nombreuses séances d'enregistrement et qui se révèle être un émouvant testament.
Témoigner et transmettre ont été le combat de sa vie pour que ne se dispersent pas les cendres de la mémoire.