L'oeuvre de Pierre Michon, contemporain majuscule, rencontre un public toujours grandissant. Mais alors que
l'importance du sacré y est manifeste, elle n'avait encore jamais été étudiée pour elle-même. C'est à quoi s'attache
cet ouvrage, parcourant les différents textes de Pierre Michon pour y mettre en évidence la nature et la fonction
du sacré. Sacré chrétien et sacré archaïque s'y rencontrent, s'y affrontent, dans un tressage de références qui irrigue
la prose de Michon et participe à son identité même.
Essentiel à l'élaboration d'une écriture qui voit en Dieu le dédicataire de l'art, le sacré ne saurait pourtant se réduire
à la littérature : le traitement que lui réserve Michon le fait apparaître comme l'un des centres de gravité de sa vision
du monde.
Comment le roman conteste-t-il la Loi ? Que devient-il quand disparaît la transcendance ? La modernité occidentale semble liée au refus, voire à la disparition de la Loi entendue comme norme divine, acceptée comme telle, régissant les rapports humains et la vision que les individus ont de leur existence. Mais combien de romans peuvent se comprendre en dehors d'un rapport - souvent ambigu ou paradoxal - à la Loi ? Critique dissolvante ou tentation restauratrice, évanouissement ou dissémination de l'absolu, recherche d'une norme de substitution, confrontation cauchemardesque aux fantômes ou aux avatars monstrueux de la Loi ancienne : en quoi l'écriture romanesque constitue-t-elle une modalité privilégiée de cette enquête sur la Loi (humaine ou divine, religieuse, morale ou politique) ? Ce sont quelques-unes des questions abordées par les études de ce recueil, où se trouvent convoqués, parmi d'autres, Dostoïevski et Hugo, Bernanos et Kafka, Lamed Shapiro, Koestler et Camus, Joyce, Broch, Musil, Dos Passos, sans oublier le roman policier. Le comparatiste Norman David Thau (1959-2005) avait été à l'initiative de cette recherche collective. Il laisse derrière lui un grand livre (Romans de l'impossible identité. Être juif en Europe occidentale [1918-1940], éd. Peter Lang, 2001) et un souvenir impérissable à ses proches, ses amis, ses collègues, ses élèves... Les articles du recueil sont suivis d'une série de témoignages dédiés à sa mémoire.
Jacqueline Lévi-Valensi, présidente de la Société des Études Camusiennes disparue en 2004, ne cessait de souligner l'actualité et la force de la pensée d'Albert Camus, «pensée qui refuse la démesure et qui, n'oubliant jamais l'exigence morale, en fait le principe de toute action.» Pour lui rendre hommage, des penseurs et des chercheurs interrogent cette pensée et le mode de rapport au monde, à l'homme et à l'Histoire qu'elle implique. Visitez le site web Albert Camus: www.webcamus.free.fr
L'oeuvre immense de Jules Verne ressortit à ce type de
monument littéraire à propos duquel on a le sentiment que
tout a déjà été dit, et pourtant...
Ce volume a la modeste ambition d'apporter quelques
contributions critiques à une réflexion mise à l'épreuve par
le vaste imaginaire vernien.
En creusant le grand théâtre du monde, les composantes
technologie et science, les parcours de réception ou les
enjeux traductifs et textuels, l'actualité de Verne assume
et convoque, en somme, nombre d'aspects et d'approches
dont le présent ouvrage se veut le catalyseur.
Lire est arpenter, et remémorer, explorer des endroits, des espaces, que l'on visite et revisite, avec l'émerveillement qui convient, des loci memoriae. Le présent volume invite le lecteur à se promener sur les pas de, entre autres, Baudelaire, Claudel, Modiano, Claude Simon, Sylvie Germain, Michel Houellebecq, Monique Proulx, Jan-François Daucen, Selim Nassib. Urbi et orbi. La ville est un univers.
Cet ouvrage a deux objets indivisibles. Il met en effet l'entendement esthétique à l'épreuve d'un cas admis par tous comme énigmatique : Le Neveu de Rameau.
Le va-et-vient proposé entre le texte et ses commentaires, de 1950 à aujourd'hui, dégage une double constatation. La première, c'est que l'accumulation primitive du capital bibliographique ne doit pas masquer un fait majeur : deux interprétations du Neveu coexistent, et deux seulement. La seconde, que la ligne ultra-majoritaire ne repose sans doute pas sur les fondations les plus solides.
Il est proposé de commencer, ici comme ailleurs, par une lecture résolument interne, avant tout attachée aux opérations de pensée esthétique sans lesquelles aucun texte fictionnel ne saurait se construire, ni un entendement critique de l'art littéraire se constituer.
Ce deuxième volume de Transversales constitue le deuxième volet des travaux de spécialistes des études sur le dix-huitième siècle français et britannique. Dans le cadre d'un projet de la Maison des Sciences Humaines de Bretagne (MSHB), « La sociabilité en France et en Grande-Bretagne au Siècle des Lumières : l'émergence d'un nouveau modèle de société », ces chercheurs tentent de redéfinir les modes opératoires de la sociabilité pour chacune des deux nations, à partir de sources célèbres ou méconnues, et s'interrogent sur la réalité de la supériorité du modèle français de sociabilité. Les conclusions de Georg Simmel qui voyait en cette dernière « la forme ludique de la socialisation » et un « symbole de la vie » servent de trame théorique à ce recueil où sont analysées la nature et la fonction des enjeux thérapeutiques et esthétiques de la sociabilité au XVIIIe siècle.
Ce petit essai, composé entre juin et août 2008, ne se pose qu'un seul défi : faire court. Dès lors, il faut taper plus fort sur la tête du clou. Quitte à se faire mal aux doigts et écraser le bois dont on prétend s'échauffer. On dira que les Lumières se prêtent d'elles-mêmes au jeu. Ne l'ont-elles pas presque inventé, dans la plus célèbre bataille entre idées ? Peut-être. Mais elles n'ont pas tiré les premières. Elles répondent aux noires soutanes, toujours là et bien là. Qu'est-ce pourtant que les Lumières qui, parties d'Europe au tournant du Moyen Âge, entendent rayonner sur le monde et délivrer l'Humanité de ses fables, la raison de ses erreurs, la société de ses malheurs ? On se l'est souvent demandé, et il faut continuer. Faire bref ne signifie pas à tout coup faire simple. Aufklärung, Enlightenment disent mieux un procès historique croissant et multipliant. Lumières désigne plus clairement la pluralité des options, des moments, des pays, des groupes et individus. Par la force des choses, il est beaucoup question de la France. C'est la faute à ma langue, à mes goûts, à la concision, tout autant qu'au lecteur visé. Mais si la France se distingue d'autres pays, elle va dans le même sens, et ne se prive pas de commercer. Lumières veut dire débats et combats. Donc, je débats et me bats, sans oser trop tremper la plume dans l'eau froide.
Dans cet ouvrage, les lettres de Jean Dupuy à Charles Dreyfus Pechkoff nous replongent dans l'ambiance de l'avant-garde des années 1970 à New York. Les années marquantes dans la vie artistique de Jean Dupuy sont celles qui ont nourri le jeune Charles Dreyfus Pechkoff, dans le sillage de George Maciunas et de Fluxus. La lecture de ces lettres est édifiante à notre époque. La correspondance, mode de communication en voie de disparition, permet d'avoir une connaissance officieuse de l'individu souvent utilisée comme un moyen - une clé - pour interpréter sa pensée et sa vie. Les lettres de Jean Dupuy nous dévoilent une avant-garde qui se développe dans une ambiance cosmopolite d'optimisme, de débrouillardise et qui exprime la conviction de la réalisation de grands projets.
Analyser la présence de l'Europe dans la vie et dans l'imaginaire de Julien Green signifie essayer de comprendre, à travers ses écrits, la liaison qu'il a tissée, au fil des ans, avec un continent qu'il a parcouru en voyageur attentif et exigeant. Il le décrit dans certains de ses romans, l'aime et sait en interpréter les aspirations les plus profondes. Les trois sections qui composent ce volume proposent un parcours critique visant à souligner les jalons essentiels de cette relation voyageur-Europe, parfois apparemment contradictoire. Elle a jalonné toute la vie de l'auteur et nous montre la qualité de la renommée que le Vieux Continent, grâce aux différentes traductions, a réservée à un artiste au «coeur » profondément européen.
Depuis quarante ans, Jean-Pierre Morel est celui qui s'est le plus directement attaché à faire pleinement perdurer une recherche portant sur les relations entre la littérature et l'histoire, en leur associant la politique - longtemps bannie des études littéraires - dans une démarche comparatiste interrogeant l'esthétique et la modernité. Les 21 textes publiés ici, de collègues de longue date ou de jeunes chercheurs qu'il a constamment encouragés, entrent en dialogue avec une oeuvre de traducteur et de critique qui a fait connaître au public francophone des auteurs anglo-saxons, allemands et russes comme Brecht, Heiner Müller, Kafka ou John Dos Passos, aux côtés d'écrivains moins connus.
Les représentations de la Grèce de 1780 à 1830 esquisse la formidable mutation des représentations de la Grèce des Lumières au Romantisme. Les dichotomies Grèce classique/Grèce moderne asservie, Grèce classique/Grèce moderne insurgée puis indépendante se déploient dans un imaginaire qui ne cesse de se déconstruire et de se reconstruire. Et tout ceci dans un contexte géographiquement ambigu, impliquant toujours, de la Révolution française à la monarchie de Juillet, d'inévitables décalages. Il semble donc que, de la Renaissance à Winckelmann et de Winckelmann à nos jours, la Grèce se présente toujours comme espace à redécouvrir, à relire et par là même à reconstruire. De la Renaissance à l'âge classique, les références à la Grèce antique, à son art, à sa philosophie avaient fédéré les élites. Par ses références récurrentes à Athènes, à Sparte et à la Rome républicaine, la Révolution française avait cherché à offrir à une Europe dominée par ses « tyrans » une culture politique commune. La saturation de ces références avait aussi, il est vrai, provoqué un rejet que l'on avait pu croire définitif, du moins dans une France condamnant la Terreur révolutionnaire. Mais il y eut aussi l'insurrection grecque et le développement du philhellénisme. Ce premier mouvement de solidarité européen et même international avec un peuple en lutte pour le respect de ses droits, nous a interpellé.
Albert Cohen publie en 1938 un roman intitulé Mangeclous, tiré, dit-il, de l'énorme manuscrit de Belle du Seigneur pour faire plaisir à sa fille et aux éditions Gallimard qui attendent depuis huit ans la suite de Solal. Dans ce roman, rabelaisien par bien des aspects, les Valeureux, cousins céphaloniens du personnage principal, vivent une vie faite de chimères et d'initiatives souvent catastrophiques. Dans ce livre hanté par l'approche du second conflit mondial, Albert Cohen développe un humour sans frein qui ne sera égalé dans aucun de ses autres livres. Jamais le roman Mangeclous n'avait fait l'objet d'une étude spécifique. Il fallait combler cette lacune.
Les instants de beauté que nous font vivre un être, un paysage, un tableau, un livre, une voix, une symphonie, la rumeur d'un aéroplane... sont parmi les plus forts de nos existences. Mais que faire des impressions esthétiques ? Quel prolongement leur donner ? Faut-il même chercher à les prolonger ? Faut-il leur consacrer nos vies ? De quelle façon ? Plus généralement, quel est le bon rapport au beau ? Aucune époque de l'histoire de la littérature n'aura été plus habitée par cette question que celle des années 1870-1920. Et les romans de Wilde, Huysmans, Proust, D'Annunzio, Thomas Mann, etc. offrent, à travers discours et situations, des réponses d'une richesse inépuisable. Il s'agit ici de retrouver les termes du débat en faisant constamment dialoguer les oeuvres entre elles, comme si elles s'interrompaient les unes les autres pour se compléter, se corriger ou se contredire. Cet essai aura atteint son but s'il fait ressortir leur cohérence, s'il éclaire les positions défendues et leurs implications, s'il aide le lecteur à analyser voire à déterminer son propre rapport au beau. Qui sait ? Peut-être avons-nous encore quelque chose à apprendre, nous qui vivons à l'ère de la « consommation des biens et des services culturels », d'une littérature centenaire.
Si le nom d'Albert Camus continue de s'imposer, aujourd'hui, comme une figure incontournable de la littérature et de la pensée françaises du XXe siècle, il n'en est pas moins demeuré une personnalité cosmopolite, sensible à ce que la culture ne s'accomplit véritablement qu'en l'absence de sectarisme, qu'en présence de l'autre _x001A_ avec ou envers lui, peu importe. C'est aussi tout le sens de la collection « Exotopies » de l'Association portugaise des études françaises (A.P.E.F.) qu'inaugure ce volume : présenter des travaux sur la langue et la culture françaises, mais d'un point de vue singulier, celui d'un autre pays. En lisant ce bouquet assez restreint, mais en même temps assez diversifié de travaux sur l'oeuvre d'Albert Camus, on relèvera donc qu'il ne s'agissait ni d'un hommage, ni d'une commémoration, si contraires au vif esprit de la littérature, mais de s'aviser de l'exceptionnelle variété et actualité de son oeuvre. En ce sens, il n'est de meilleure figure pour débuter cette collection à visée cosmopolite que celle d'Albert Camus, chez qui le geste d'écriture est totalement inscrit dans une vocation humaniste. Celle-ci ne s'entend pas dans un sens moraliste, mais dans un sens existentiel _x001A_ sinon existentialiste _x001A_, qui veut que chacun se définisse par le souci qu'il a de l'autre, et que l'humanité s'apparaisse comme le perpetuum mobile de l'histoire, en même temps que son point fixe, son sens dernier.
Le lecteur d'Albert Cohen est assez vite frappé par la multiplicité des références à la folie dans l'oeuvre. Pathologies diverses, folie prophétique du personnage principal, folie amoureuse, folie du monde, lyrisme échevelé et goût oriental de la grandeur et du travestissement : la folie est partout. Cohen, lui-même lecteur et admirateur de Freud, se livre à une psychopathologie de la vie quotidienne de ses personnages et nous conduit de l'appréhension clinique des comportements (narcissisme, mégalomanie, délire de persécution, scarifications, pulsions suicidaires) à une vision plus symbolique de la folie, carnavalesque au sens de Bakhtine ou prophétique au sens de Neher. Les articles qui composent cet important dossier (C. Stolz, B. Bohet, D. Poizat, M. Decout, M. Davies, A. Jean, C. Quint, A. Schaffner), nous invitent à une promenade dans les différents aspects de ce motif récurrent dans l'oeuvre, mais jamais exploré en tant que tel. Ce numéro comporte également une étude sur « Cohen et les moralistes » (C. Brochard) et sur les rapports entre « Corps et société » dans son oeuvre (G. Dolléans).
« Le monde se compose de tessons qui s'éparpillent, c'est un obscur chaos incohérent que seule l'écriture maintient. » Ces mots d'Imre Kertész accordent à l'écriture la force de sauver un monde en perpétuelle désagrégation. Or une telle écriture ne peut déboucher que sur une forme en péril, tendue entre un chaos menaçant et une cohérence toujours visée, jamais atteinte, exhibant ses propres tâtonnements et s'enfantant dans la douleur. Les articles réunis dans ce volume ont pour objet les trous, brisures et montages de la prose narrative au xxe siècle - entre autres dans les oeuvres de Handke, Simon, Perec, Levi, Tabucchi, Kertész, Glissant, pour qui le récit ne saurait être qu'un champ de forces où s'affrontent désir de totalité et menace de désintégration. Dans cette forme discontinue où nombre d'écrivains et de critiques voient la marque même de la modernité, la recherche formelle est inextricablement liée à un questionnement politique : le désordre du récit implique une réflexion sur l'Histoire et sur la possibilité de l'écrire. La forme hachée à laquelle aboutissent les auteurs peut être l'indice d'une faillite, le récit échouant à représenter l'irreprésentable. Mais elle peut aussi se voir investie d'une valeur critique : contre le mensonge d'une forme lisse, le récit discontinu, revenant inlassablement sur lui-même, se fait l'instrument d'une réflexion que le lecteur est invité à poursuivre.
Des observations médicales aux récits autobiographiques en passant par des narrations romanesques d'avant la Grande Guerre, les documents retenus dans ce recueil, esquissent le portrait d'individus asservis à leur passion pour des substances psychotropes, tout en retraçant le chemin qui les mènera de l'expérience du plaisir à la dépendance et, conséquemment, à la souffrance. Leurs vécus de cocaïnomanes, morphinomanes ou opiomanes sont autant de témoignages précieux pour l'écriture de l'initiation aux paradis artificiels et la reconstitution des états d'âme et d'esprit ainsi que des rituels liés à la consommation de ces drogues pendant la Belle Époque.
Les auteurs du présent volume (publié avec la collaboration d'Aude Locatelli) s'interrogent sur les fonctions que l'évocation de la musique peut assumer au sein des romans. De Balzac à Echenoz, en passant par Robert Musil, Thomas Mann, Virginia Woolf et bien d'autres, il n'est pas rare que les romanciers évoquent des oeuvres musicales (y compris, de nos jours, une improvisation jazz ou rock'n' roll) de façon précise et substantielle. Mais on peut se demander comment de telles évocations entrent dans les structures du roman et participent à la construction de son sens. À travers tous les exemples étudiés ici, le lecteur fera plus d'une fois le même constat : si le roman moderne se sert de la musique, il sait aussi lui rendre service.
Ce nouvel ouvrage de la collection « Genre(s) et création » explore, à travers les créations d'Isabel et Mariana Otero, de Rachid Koraïchi, de Wilkie Collins, de Philip Roth, d'Alain Mabanckou, d'Audrey Pulvar et d'Evelyne Trouillot le ressort de la création : le « secret », avec au coeur même du délit... le corps de la femme toujours objet de convoitise, de règlement de comptes, de blessures. France, Algérie, Tunisie, Angleterre, Etats-Unis, Guadeloupe, Martinique, Haïti : la carte du secret ne fait pas le tour du monde mais en visite bien des lieux et montre déjà que s'il se décline différemment selon les latitudes, il fonctionne sensiblement de manière comparable dans les créations.
« Humorialiste » : c'est par ce mot-valise (où se retrouvent l'humoriste, le moraliste et le mémorialiste) que Judith Kauffmann, enseignante à l'Université de Bar-Ilan, caractérisa naguère l'oeuvre d'Albert Cohen dont elle fut l'une des meilleures spécialistes. Les Cahiers Albert Cohen rendent ici hommage à l'auteur de Grotesque et marginalité. Variations sur l'effet-Mangeclous (Peter Lang, 2000), qui nous a quittés en 2007. Certains articles sont directement en dialogue avec ses travaux et portent sur quelques-uns de ses thèmes familiers : le comique, le grotesque, la judéité , d'autres portent sur des sujets différents et fraient des voies nouvelles. Mathieu Belisle propose une analyse originale des paradoxes du personnage de Mangeclous« le mal né ». Maxime Decout revient sur « la fabrique du personnage juif » chez Cohen et sur le rôle séminal du Silbermann de Lacretelle. Ces Cahiers comportent aussi des études sur le comique gastronomique (Claudine Ruimi), la bêtise (Tiphaine Rivière) ou l'absurde (Julie Lescroart). Baptiste Bohet fait état des découvertes sur l'écriture de Belle du Seigneur que l'outil informatique a rendues possibles. Maurice Lugassy poursuit son travail de dépouillement d'archives concernant les activités sionistes de Cohen.
Tout lecteur d'Albert Cohen est d'abord plein de ces évocations saisissantes de l'antagonisme radical entre « la Loi » et « la nature » dont l'auteur semble avoir fait le socle de sa vision du monde : « [...]C'est notre héroïsme désespéré que de ne vouloir pas être ce que nous sommes et c'est-à-dire des bêtes soumises aux règles de la nature que de vouloir être ce que nous ne sommes pas et c'est-à-dire des hommes. » Quel est le soubassement de cette vision du monde ? Est-il à chercher dans le judaïsme dont Cohen se réclame ou dans une pente quasi gnostique, comme le soutient Jack Abecassis ? Comment se traduit-elle poétiquement ? Que vient-elle signifier politiquement et philosophiquement ? Que trahit-elle de l'imaginaire de l'écrivain, de son rapport à la nature, au corps, à la femme ? Comment l'aversion déclarée pour l'animalité peutelle s'accorder avec les mille et une preuves de l'intérêt, sinon de l'amour, de l'écrivain pour les « bêtes » ? Car ouvrir l'oeuvre de Cohen, c'est découvrir une incroyable faune, dans laquelle les animaux ne sont pas toujours des repoussoirs allégoriques : des chattes aux termites, des chevaux de retour aux félins - miniaturisés ou non -, des langoustes d'Ariane aux araignées adultères, des aigles aux crapauds, en passant par les grosses mouches noires et jusqu'au chien auquel Solal envisage un moment de faire sa déclaration d'amour, le bestiaire de l'écrivain semble inépuisable.
Lalla, Liana, Esther et Nejma, Nassima... depuis Le Procès-verbal, les personnages féminins habitent l'oeuvre de J.M.G. Le Clézio. De cette sur-représentation est née une interrogation : comment un écrivain s'y prend-il pour écrire l'autre féminin, écrire un discours de et sur l'autre. Face à une indépassable altérité, celle de la différence sexuelle, quels sont les moyens utilisés par Le Clézio pour écrire le féminin en donnant parfois l'impression de l'intérioriser dans l'écriture ?
En constituant un recueil de textes lecléziens, nous avons voulu montrer quelle était sa représentation du féminin et les procédés d'écriture qui la mettent en place. Nous en concluons à un réel devenir-femme de son écriture.
L'angle d'approche choisi pour le présent ouvrage surprendra peut-être les amateurs de l'oeuvre de Giono. On s'attend en effet à ce que le motif des cosmétiques soit d'une importance mineure dans un univers romanesque d'abord ancré en pleine nature. Pourtant, les parfums, les fards, les huiles entrent avec le corps, et notamment avec la peau, dans de subtiles dialectiques du naturel et de l'artifice, de la surface et de la profondeur, du sain et du malsain et jouent avec le désir, la réalité, le néant. Jean Giono, Corps et cosmétiques est le premier volet d'une réflexion sur la représentation, les usages et les langages du corps dans l'oeuvre de Jean Giono.