Le 30 avril 1945, les Soviétiques sont à Berlin, Hitler se suicide?; le 8 mai 1945, les Alliés obtiennent la capitulation sans condition des armées du IIIe Reich. Entre ces deux dates, huit jours s'écoulent pendant lesquels l'État et la société nazis s'effondrent, tandis que l'après-guerre déjà se dessine. Cette semaine apocalyptique, ce «?temps hors du temps?», où tout s'est arrêté tout en restant terriblement incertain, voit le gouvernement Donitz, dans une sorte de déni de responsabilité, tenter de négocier une fin préservant l'Allemagne. Dans toute l'Europe occupée, des millions de soldats, de prisonniers, de travailleurs forcés et d'innombrables familles épuisées et souvent sans abri s'attendent à la fin du monde... En Allemagne débutent les terribles marches de la mort tandis que se déclenche une ahurissante épidémie de suicides et que les hiérarques nazis se cachent ou fuient en masse. C'est ce monde brutal déchiré entre espoir et terreur, entre guerre et paix que Volker Ullrich raconte, jour après jour, dans cette fresque exceptionnelle. Traduit de l'allemand par Denis-Armand Canal.
Demain, serons-nous remplacés par des robots ? Cette crainte est renforcée par le développement sans précédent des intelligences artificielles. Certaines sont déjà capables de générer du texte, des images, bientôt de la musique et des vidéos. Et si, au lieu de se détourner d'une nouvelle technologie, les historiens essayaient de se l'approprier pour la mettre au service de leur matière ? C'est le pari fou d'un des historiens de l'Antiquité les plus talentueux de sa génération, Raphaël Doan, déjà auteur de plusieurs livres récompensés par des prix prestigieux. Passionné par les évolutions technologiques, il s'est plongé dans le dernier état de la recherche en « IA générative » afin d'en tirer le plus grand profit pour dominer la machine, et comprendre comment l'histoire pouvait s'articuler avec ces nouveaux outils. De cette expérience est né ce livre saisissant, Si Rome n'avait pas chuté, une uchronie sur un Empire romain bénéficiant d'une révolution industrielle avant l'heure. Le scénario a été imaginé et pensé par l'historien, mais l'écriture et les illustrations ont été, sous sa direction, réalisées par différentes intelligences artificielles. L'ouvrage est précédé d'une longue introduction où l'auteur explique la façon dont il a travaillé, dévoile les ombres et lumières de ces nouveaux logiciels, les raisons pour lesquelles il faut parfois s'en méfier, mais aussi celles pour lesquelles tout nous invite à s'en saisir afin de les mettre à notre service. Une entreprise inédite, un événement éditorial.
La démocratie est aujourd'hui une aspiration pour des centaines de millions de personnes, comme elle est un droit de naissance pour des millions d'autres à travers le monde. Mais de quelle démocratie parlons-nous ? Sa signification est-elle inchangée depuis sa création dans la Grèce antique ? Examinant ses différentes manifestations et montrant comment la démocratie a changé au cours de sa longue vie, depuis les temps anciens jusqu'à nos jours, Paul Cartledge offre une réflexion d'une fécondité exceptionnelle. Comment le « pouvoir du peuple » des Athéniens a-t-il émergé en premier lieu ? Et en quoi la version athénienne de la démocratie différait-elle des nombreuses autres formes qui se sont développées ensuite ? Après un âge d'or au IVe siècle av. J.-C., il y a eu une longue et lente dégradation de la conception et de la pratique grecques originales de la démocratie. De l'Antiquité tardive à la Renaissance, la démocratie a été éclipsée par d'autres formes de gouvernement, tant en théorie qu'en pratique. Mais ce n'était en aucun cas la fin de l'histoire : la démocratie devait finalement connaître une nouvelle floraison. D'abord ravivée dans l'Angleterre du XVIIe siècle, elle devait renaître dans le climat révolutionnaire de l'Amérique du Nord et de la France à la fin du XVIIIe siècle - et n'a cessé de se reconstituer et de se réinventer depuis, jusqu'à la contradiction la plus récente de la « démocratie illibérale ».
Pour les historiens arabes les plus lucides, ce que nous appelons les croisades entre dans le récit plus vaste de l'effondrement de l'Empire islamique, la grande offensive des «?Francs?» en Méditerranée constituant l'une des deux mâchoires de la tenaille qui prend en étau l'Islam aux XIIe-XIIIe siècles. L'autre mâchoire, de loin la plus redoutée, se resserre à l'est avec les invasions mongoles.
L'Empire islamique est ainsi le lieu où se confrontent trois constructions impériales?; à l'est l'histoire chinoise domine pour un petit siècle, le coeur de l'Empire mongol se trouvant à Pékin. À l'ouest, Saint Louis s'impose comme le fondateur de l'Empire franc, dont le centre est à Rome, après la vague des guerriers fondateurs que sont Godefroy de Bouillon, Baudouin, Amaury ou Roger de Sicile.
C'est donc à un décentrement du monde que nous invite Gabriel Martinez-Gros. À travers une réflexion profondément originale, nourrie de ses précé-dents travaux sur la question impériale, l'histoire de l'Islam et la pensée historique arabe, l'auteur propose une fascinante nouvelle lecture des croisades, de l'Empire islamique et de la puissance mongole.
Alors que la "question russe" semblait enterrée depuis la fin de la guerre froide, voici qu'elle revient sur le devant de la scène à l'occasion d'un conflit qui échappe à l'analyse. Si la géopolitique classique s'est cruellement trompée, c'est qu'elle ne prêtait pas suffisamment d'importance aux guerres spirituelles qui font rage en coulisse, dans les couloirs feutrés des chancelleries et jusque dans l'antichambre du président russe. Les Russes choisissent-ils d'envoyer mourir leurs soldats pour la transfiguration du monde ou pour "dénazifier" l'Ukraine ? Pensent-ils lutter contre l'Occident impie et décadent ou contre l'influence de l'OTAN à leurs portes ? C'est à ces questions que les auteurs s'attellent dans ce livre profondément original, où ils reviennent sur les influences religieuses et idéologiques des dirigeants russes.
Voici l'histoire de quatre femmes arrêtées, incarcérées, jugées, condamnées à mort puis guillotinées. Marie-Antoinette, reine de France déchue. Madame Roland, brillante égérie politique. Olympe de Gouges, dramaturge et militante. Madame du Barry, la dernière favorite de Louis XV, incarnation de l'Ancien Régime. Quatre femmes qui représentent, chacune dans un registre différent, ce que la Révolution déteste. Et, en premier lieu, des femmes physiquement présentes dans l'espace public, qui non seulement osent le fouler mais tentent, en vain, de l'influencer. Privées quasiment de tout, confrontées à des conditions carcérales drastiques, elles n'ont depuis leur prison d'autre perspective que la guillotine. Ce sont ces derniers jours que restitue Cécile Berly dans ce texte sensible et puissant mettant à nu l'humanité de figures parfois pathétiques mais souvent sublimes.
Au même titre que la prostitution, l'espionnage est souvent considéré comme l'un des «?plus vieux métiers du monde?». Il est vrai que l'on peut situer les premières utilisations d'espions entre les VIIIe et VIIe siècles avant notre ère. Au Moyen Âge, sujet de ce livre, pour collecter des renseignements, des acteurs s'imposent et des pratiques neuves sont mises en oeuvre afin de répondre à des besoins multiples : militaires bien sûr, mais aussi diplomatiques et politiques. Lors des croisades, par exemple, les espions sont commandités par les grands barons souhaitant connaître les intentions militaires ennemies. Dans un autre contexte, le roi de France Louis XI organise une pratique du renseignement à but politique et diplomatique?; il est alors au sommet d'une pyramide vers lequel remontent des rapports provenant d'une «?armée?» de l'ombre. Ce sont ces sujets, et bien d'autres, qui sont ici traités avec finesse dans une synthèse aussi accessible que documentée.
L'histoire regorge d'exemples plus ou moins édifiants, qu'ils soient individuels ou d'ordre collectif, d'actes de trahison. Plus d'un événement marquant a en effet pu être occasionné par la décision d'un personnage ou de son entourage de changer de camp, ou de refuser d'obéir. Parfois la trahison est devenue, avec le recul du temps, un acte de bravoure... Toujours elle éclaire un caractère, met en valeur une faiblesse très humaine ou exprime un sentiment blessé. En bousculant l'ordre social, la trahison est un geste fort et, d'une certaine manière, un sacrifice personnel qui demeure complexe à comprendre. Pour tenter, justement, de saisir les enjeux que soulève la question de la trahison, les auteurs de ce livre original sur un sujet d'ordinaire abordé de manière caricaturale font le portrait d'une quinzaine de grands «?traîtres?» du XVe au XXe siècle. Ils dessinent ainsi une nouvelle histoire de l'infamie à travers les vies de ces hommes et femmes hauts-en-couleur dont les aventures parfois rocambolesques trouvent une conclusion souvent tragique.
Quelle place occupe la musique dans le concert des nations?? Depuis le XVIIIe siècle, les rivalités entre États se sont autant exprimées sur la scène militaire que musicale. Les notes, même dépourvues de mots, ont un écho politique. Voici un livre unique en son genre qui revient sur quinze instants légendaires où la musique a supplanté les canons. Du sacre de Napoléon en 1804, qui valut à l'empereur l'inimitié à vie du compositeur Beethoven, à la visite de l'Orchestre Philharmonique de New York en Corée du Nord en pleine crise nucléaire, en passant par les figures symboliques de Verdi et Wagner, qui, au XIXe siècle, ont réveillé les patriotismes italien et allemand, ou encore le concert improvisé de Rostropovitch devant le mur de Berlin en 1989, Hélène Daccord relate avec intelligence et fantaisie ces scènes mémorables où le fracas des armes a laissé place à l'harmonie des instruments.
« On taxe tout, hormis l'air que nous respirons » assurait la marquise du Deffand. Dans ce livre inédit en son genre, Éric Anceau et Jean-Luc Bordron racontent l'histoire universelle et millénaire de l'impôt, de l'Égypte pharaonique aux paradis fiscaux contemporains en passant par la Chine impériale, la France de Louis XIV et l'Amérique de la prohibition. En mêlant récit grandiose et anecdotes savoureuses, les auteurs parviennent à dessiner une fresque aussi passionnante que divertissante d'un sujet omniprésent. Sait-on, par exemple, que pour occidentaliser la Russie, Pierre le Grand voulait contraindre ses sujets à ne plus porter de barbes en créant un impôt sur la pilosité ? Sait-on, encore, que les guinguettes se trouvaient aux abords des villes pour échapper à la taxation ? Plus surprenant enfin, sait-on que les membres du groupe ABBA portaient des tenues excentriques parce qu'une loi suédoise permettait une réduction d'impôts sur les vêtements à condition de ne pas pouvoir les porter dans la vie de tous les jours ? Ni manuel fiscal ni guide du contribuable, cet ouvrage explique par une approche claire et plaisante l'impôt, pourquoi il existe, pourquoi on y résiste, et dessine une nouvelle histoire de la construction de l'État.
À première vue, il n'est pas d'histoire de l'Italie qui ne débouche sur la création au XIXe siècle d'un État unitaire. Qu'en est-il, cependant, lorsqu'on coupe le film avant l'Unité?? Que devient l'histoire de l'Italie lorsque, s'arrêtant dès 1815, on fait abstraction d'une suite qui nous est désormais connue, mais ne l'était pas des contemporains?? Le récit national, alors, n'a plus lieu d'être, et le postulat d'une Italie perd de sa légitimité. Du XIIe au début du XIXe siècle, c'est tout autant d'Italies, à la fois proches et diverses, dont on peut parler. Au fil de trente-quatre chapitres thématiques, ce livre explore ces Italies d'avant l'Italie. Écartant tout récit qu'aimanterait une fin nécessaire, il invite le lecteur à une promenade entre des histoires distinctes, mais souvent enchevêtrées, survenant dans des espaces tantôt centrés sur la Péninsule, tantôt resserrés dans les limites d'un simple village ou dans les murs d'une orgueilleuse cité, tantôt dilatés à la mesure des mers, des empires ou de l'universelle romanité.
Le 22 juin 1941, les troupes nazies pénétraient en Union soviétique. Immédiatement les Juifs furent pris pour cibles lors d'exécutions qui se déroulèrent des Pays baltes à la mer Noire. En Galicie orientale, dans l'ouest de l'Ukraine, du jour au lendemain, des soldats de la Wehrmacht, des hommes des Einsatzgruppen et d'autres formations de police massacrèrent des civils juifs. Du jour au lendemain, des paysans locaux déferlèrent sur les villes, menant la chasse aux Juifs. Du jour au lendemain, des voisins assassinèrent leurs voisins. Les mécanismes de ces violences reposèrent sur deux éléments. D'abord un cadre légal posé par les Allemands, véritable permis de tuer relayé sur le terrain par des figures d'autorité locales ; ensuite un puissant ressentiment de la population non juive à l'égard de ses voisins. Envahisseurs et locaux scellèrent ainsi un terrible pacte antisémite. C'est ce que démontre Marie Moutier-Bitan dans cet ouvrage exceptionnel s'appuyant sur de nombreuses archives et enquêtes de terrain. L'auteure relate ainsi la fin d'un monde multiséculaire, lorsque transformant les voisins en meurtriers et les villages en lieux de massacre, les hommes d'Hitler déclenchèrent une spirale meurtrière d'une brutalité inouïe.
Un écrivain, un étudiant, des hommes d'affaires, un juriste, une femme politique - il y a actuellement 57 000 combattantes qui servent dans l'armée ukrainienne - ou encore un important exploitant agricole letton, un Géorgien de 61 ans et même des Russes - parmi lesquels un ancien officier du FSB. Tous racontent leur expérience dans cette guerre d'un autre siècle par sa violence et son intensité. Tous parlent à la fois de la situation actuelle et évoquent l'histoire de leur pays, de cette guerre et de leur relation avec la Russie de Poutine. Tous - Ukrainiens ou étrangers - sont des volontaires prêts à mourir pour l'Ukraine. Leurs témoignages représentent des expériences guerrières diverses vécues par des acteurs d'horizons sociologiques et psychologiques variés, sur tous les théâtres de la guerre dans ses différentes phases, dont les batailles majeures d'Irpin, de Boutcha ou de Marioupol. Rassemblés et présentés par Lasha Otkhmezuri, qui a su gagner la confiance des témoins depuis plusieurs mois, ils offrent à la fois des récits poignants et une multitude de clés pour comprendre cette guerre et ses conséquences. Bouleversement majeur pour l'Europe, perspective historique, question des crimes de guerre, c'est une série d'informations et de réflexions inédites et éclairantes qu'offrent ainsi l'auteur et ses témoins.
La noblesse, le clergé et le tiers état. Cette tripartition de l'Ancien Régime, et la bipolarisation du tiers état entre peuple et possédants, jusqu'ici admises, sont remises en cause par cette oeuvre magistrale de Jérôme Fehrenbach, que n'aurait d'ailleurs pas renié Fernand Braudel. Les «?grands fermiers?» auraient été aussi importants et auraient même constitué une classe à part et singulière. Avant la Révolution française s'intercale, entre propriétaires et travailleurs, cette classe moyenne avant la lettre. Ils organisent les campagnes, donnent du travail, sont les seuls capables d'approvisionner les villes en dizaines de tonnes de grain. Aussi à l'aise avec les grands qu'avec les petits, ces pragmatiques simples mais éduqués, organisés en clans, se faufilent à tous les étages de la société, contrôlent les leviers de pouvoir, se serrent les coudes, se coordonnent et pipent les marchés. L'iniquité du prélèvement féodal permet à ces apparents capitalistes de générer les marges de sécurité afin d'approvisionner les marchés et de prévenir les disettes. C'est ce territoire, ces exploitations, ces familles, cette France parfaitement méconnue, dont Jérôme Fehrenbach nous donne les clés, au terme de la première enquête minutieuse et globale sur cette classe sociale oubliée.
Napoléon passe pour être le fils d'une famille modeste qui, à force d'efforts, aurait accédé aux plus hautes fonctions. Cette légende digne d'un roman devait être corrigée. Voici la vérité enfin révélée grâce à cette biographie événement, fruit de longues années de recherche dans les archives, consacrée à Charles Bonaparte, père du plus célèbre des empereurs. En réalité, Napoléon était issu d'une lignée de notables, aisés et instruits. Son père, dont la noblesse avait été confirmée par Louis XV, avait l'ambition pour principe et le travail pour devoir. De l'Italie, où il a étudié le droit, à la cour de Versailles, où il a rencontré Louis XVI, il a mené une vie tambour battant. Propriétaire avisé, physiocrate, proche de ses enfants, les conduisant lui-même à Autun, Brienne ou Saint-Cyr, leur achetant lui-même leurs vêtements, il fut un «?père-citoyen?», très à la mode de la fin du xviiie siècle. En leur inculquant le goût du dépassement de soi tout en leur donnant les moyens de réussir, il ne pouvait qu'engendrer «?l'homme nouveau?», issu de 1789, créateur des lycées, de l'Université, du Code civil. Cette odyssée, entre luttes de clans et vendetta, de Pise à Ajaccio en passant par Paris, lève enfin le voile sur l'enfance de Napoléon Bonaparte. Soit un petit garçon formé dès son plus jeune âge à conquérir un monde qui allait s'ouvrir à lui grâce à la Révolution française.
L'histoire est écrite par les vainqueurs. C'est ainsi que s'est imposée la figure d'Henri IV comme successeur logique des Valois. Sa légitimité aurait-elle donc été toujours incontestée?? Le déroulé des événements de la guerre de Succession de France et la lecture d'une certaine littérature remettent en cause ce qui a pu paraître comme une évidence. En réalité, le premier roi Bourbon a dû s'imposer face à d'autres prétendants plus ou moins crédibles. Même après que Paris lui a ouvert ses portes, il a dû confirmer qu'il était le souverain de l'ensemble de ses sujets, nonobstant les difficultés militaires et les complots, jusqu'au couteau de Ravaillac qui a consacré définitivement sa légitimité. Plus surprenant encore, au-delà de sa dimension militaire et religieuse, la guerre de Succession de France a incarné un véritable laboratoire politique, où l'inspiration était puisée autant dans l'histoire antique que l'histoire de France, fraîchement dévoilées à un plus large public grâce à l'imprimerie, le plus grand legs de l'humanisme. Fadi El Hage nous invite à une relecture inédite d'événements que nous croyons bien connaître, mais qui prennent une autre ampleur dès lors que nous nous éloignons des légendes et des passions.
Entre la fin du XIIe et le début du XIIIe siècle, les armées mongoles de Gengis Khan ont conquis en une génération plus de terres et soumis plus de populations que Rome en 400 ans. Avec ses fils et petits-fils, Gengis Khan fut le grand conquérant des civilisations les plus densément peuplées du temps. De l'océan Pacifique à la mer Méditerranée, à son apogée l'empire du Grand Khan couvrait une superficie de plus de 30 millions de kilomètres carrés en continu, soit environ la taille du continent africain. Or l'ensemble de la tribu dont il était le chef comptait un million d'individus environ : c'est dans ce creuset qu'il recruta son armée, pas plus d'une centaine de milliers de guerriers, lesquels tiendraient sans difficulté dans les plus grands de nos stades modernes. Pour comprendre la construction de cet ensemble unique dans l'histoire, comme le parcours de son fondateur, l'auteur ouvre le livre sur son accession au pouvoir et sur les forces qui ont façonné sa vie et sa personnalité, depuis sa naissance en 1162 jusqu'à l'unification de toutes les tribus et la fondation de la nation mongole, en 1206. Ensuite vient l'entrée des Mongols dans l'histoire, avec leur guerre à l'échelle mondiale, étalée sur cinq décennies, de 1211 à 1261, jusqu'à ce que les petits-fils de Gengis Khan se livrent un combat entre eux.
Deux siècles durant, deux dynasties françaises, les Plantagenêts et les Valois, placées l'une à la tête de l'Angleterre, l'autre sur le trône des fleurs de lys, se sont livré une lutte à mort. Comment les rois de France, qui font figure de besogneux, tandis que leurs flamboyants adversaires récoltaient les lauriers de Crécy, Poitiers et Azincourt, ont-ils in fine remporté la victoire?? Ce n'est certes pas le seul effet du hasard ou de la Providence. Les Valois ont gagné, parce que, mieux que leurs adversaires, qui ne manquaient pourtant ni de volonté ni d'intelligence, ils ont su concevoir et mettre en oeuvre une stratégie globale, diplomatique et militaire, mais aussi politique, fiscale, sociale et idéologique. C'est ce que démontre avec brio Amable Sablon du Corail à travers le passionnant récit de cette confrontation totale, dont l'objet était tout autant la conquête des coeurs et des âmes que celle de territoires, de villes ou de forteresses.
Le 9 janvier 1873, l'empereur Napoléon III mourait en Angleterre. Cent cinquante ans plus tard, il est persona non grata de la mémoire nationale. C'est pour réhabiliter un règne méconnu et incompris que Maxime Michelet prend ici la plume. Dans un essai aussi bref qu'enlevé, il trace les contours de l'homme et du souverain, évoquant successivement la politique intérieure, diplomatique, économique et surtout, grande oubliée de nos livres d'histoire, sociale. Si les dérives autoritaires du Second Empire sont incontestables, elles ne sauraient le résumer. Au contraire, par bien des aspects, Napoléon III a été l'architecte, au sens propre comme au figuré, d'une France moderne et à la pointe de l'Europe : maillage du chemin de fer, construction des ports de commerce, ébullition artistique et littéraire, industrialisation, protection des travailleurs... La liste est longue et hélas méconnue de ce que l'État doit à ce règne orienté vers le progrès.
À l'automne 1600, Tokugawa Ieyasu, l'un des plus fascinants personnages de l'histoire du Japon, sort vainqueur de la plus grande bataille de samouraïs jamais livrée. L'enjeu est de taille puisqu'il ne s'agit rien moins que de l'empire tout entier, enfin pacifié. Le suzerain de la maison Tokugawa sera le troisième des Unificateurs du pays. Avant de parvenir à engranger les dividendes de la paix, il aura pourtant fallu tout risquer une ultime fois sur le tapis vert des rizières de Sekigahara, mince vallée sise en plein coeur de l'archipel. La suprême querelle se vide au matin du 21 octobre 1600, mettant aux prises les meilleurs capitaines et les plus vaillants champions de leur temps. Épreuve du gigantisme, près de 170 000 combattants s'y sont taillés en pièces, laissant 30 000 d'entre eux sur le carreau. Il faudra attendre l'épopée napoléonienne, deux siècles plus tard, pour voir se lever des effectifs similaires sous nos latitudes. À la charnière de deux siècles que tout oppose, Sekigahara bruit également du chant du cygne qu'entonnent malgré eux les guerriers de jadis. A l'issu de la bataille, le temps des seigneurs de guerre, des samouraïs et des citadelles est révolu.
Avril 2010, «?le polygame de Nantes?» fait les gros titres : un commerçant musulman, dont l'épouse a été contrôlée au volant portant le niqab, alors que l'attention du pays est focalisée sur le débat autour de la loi «?interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public?», est poursuivi pour bigamie. Cette «?affaire?» résonne avec d'autres, de la crèche Baby Loup à celle des soeurs Alma et Lila Lévy en passant par la filière de viande halal... Dans chacun de ces faits divers amplifiés par les médias, des politiques interviennent et affichent les positions dictées par leur appartenance partisane. C'est pourtant le droit, en dernière instance, qui est convoqué pour résoudre des situations qui, de conflit local, se transforment en débat national. Ce que démontre Cyrille Duvert à travers ce livre aussi original que stimulant revenant sur les enjeux contemporains de la rencontre du droit français et de l'islam.
Courant entre 1808 et 1825, le temps des indépendances apparaît encore aujourd'hui comme le véritable mythe fondateur des nations issues de la désintégration de l'Amérique espagnole. Ces révolutions restent pourtant méconnues - si ce n'est les figures écrasantes des Libertadores que sont Simón Bolívar ou José de San Martín. La compréhension de ces indépendances n'est possible que dans une perspective globale et atlantique, la crise et l'effondrement de l'empire procédant directement du tumulte politique du Vieux Continent. Quand Napoléon force les Bourbons d'Espagne à abdiquer à Bayonne en 1808 pour les remplacer par son frère Joseph, les réactions dans l'empire sont d'abord unanimes : le Nouveau Monde réaffirme sa loyauté à la nation espagnole et à son souverain légitime, Ferdinand VII. Mais l'incertitude de la situation et les grandes distances que doivent parcourir les nouvelles à l'époque de la marine à voile finissent par faire le jeu des revendications émancipatrices, qui se transforment en véritables guerres d'indépendance. Maîtrisant la complexité des contextes sociaux et politiques de chaque côté de l'Atlantique, Gonzague Espinosa-Dassonneville déconstruit les « romans nationaux » locaux (l'historia patria) et montre comment ces indépendances, qui étaient loin d'être prévisibles, sont la conséquence du chaos politique qui boulerverse la péninsule Ibérique.
De la Révolution française et du Premier Empire, on retient des batailles et des victoires. La France se serait agrandie grâce à ses succès militaires. Jusqu'à constituer, sous Napoléon, un Empire de près de 130 départements. Et si, loin d'être un phénomène guerrier, l'Empire était un phénomène politique et bien souvent pacifique ? C'est la thèse détonante d'Aurélien Lignereux qui rappelle dans ce livre que, contrairement à une idée reçue, le gain de territoires ne provenait pas des conquêtes, en soi insuffisantes, mais d'un processus administratif et politique lourd et complexe : la « réunion ». Autrement dit : il ne suffisait pas de gagner des guerres pour gagner de nouvelles régions. On découvrira avec stupéfaction la complexité des arguments avancés pour opérer le rattachement d'une population à la France. Laquelle charrient des phénomènes jamais identifiés : la francisation de tout un pan de l'Europe et la réciprocité de l'impérialisme puisque la France elle-même change lorsque des Piémontais ou des Hollandais sont nommés préfets à Bourg ou à Nantes ! Si le phénomène impérial a existé, il était bien moins militaire que politique. Napoléon déchu, des centaines de Belges, de Rhénans ou de Génois voudront, par exemple, redevenir les Français qu'ils avaient été sous la République et l'Empire. Un livre magistral d'intelligence, qui renouvelle en profondeur l'état des connaissances relativement aux guerres de la Révolution et de l'Empire.
La guerre d'indépendance américaine a sa part de mythe. Un peuple aurait pris les armes contre une force d'occupation oppressive afin de créer un État fondé sur la liberté. Pour n'être pas fausse, cette histoire est partielle. Comment une armée avec très peu de moyens et d'hommes sans expérience a-t-elle pu vaincre l'Angleterre?? On a souvent réduit le rôle de la France à sa contribution navale. En réalité, dès 1777, le gouvernement de Louis XVI, par le truchement de trafiquants d'armes à l'image de Beaumarchais, équipe les Américains. Une armée de paysans dispose désormais d'un des meilleurs équipements du monde et d'officiers expérimentés. C'est le tournant de la guerre. Cet ouvrage corrige aussi de nombreuses idées reçues, comme celles qui concernent les colons américains. Ces derniers n'étaient pas seulement en quête d'indépendance, mais aussi d'argent. Leurs motivations étaient essentiellement économiques. De même, on découvrira le peu de sympathie qu'ils suscitent chez leurs voisins canadiens, et que dire des Amérindiens, victimes d'exactions et grands perdants de cette guerre?? Dans ce livre magistral et inattendu, Pascal Cyr et Sophie Muffat revisitent une légende fondatrice de la modernité politique.